Le philosophe grec Épicure disait que de tous les cadeaux que le destin nous offre, il n’y en a pas de plus grand que les amis.
Qui pourrait
douter de l’importance des amis, ces êtres chers avec qui l’on tisse des liens
parfois plus forts que ceux liés à la consanguinité ? Ils sont au cœur de nos vies,
présents dans les moments fastes mais aussi pendant les traversées du désert.
Toutefois,
aussi longues et profondes qu’elles soient, les amitiés que nous entretenons
avec les autres demeurent fragiles. Elles sont susceptibles d’être
déconstruites à tout moment, car le conflit est consubstantiel à toute relation
sociale. Même les meilleurs amis du monde peuvent se séparer, ruinant ainsi des
années d’interactions pourtant mutuellement bénéfiques.
Cette
réalité vient nous rappeler que les amis ne sont pas des personnes qui sont
apparues ex nihilo dans nos vies. L’amitié est une forme particulière de
rapport à l’autre. Contrairement aux liens « subis » comme la condisciplinarité,
la collégialité ou le voisinage, les liens d’amitié ne s’imposent pas aux
acteurs concernés. Les amis sont des gens que nous avons choisis sur la base de
certains enjeux, de la concordance de centres d’intérêt, de passions communes,
de qualités appréciées…et de défauts tolérés. C’est ce qui explique que nous ne
nous lions pas d’amitié avec tout le monde. Volontairement ou de manière
inconsciente, nous élaborons les critères de sélection de ceux que nous
considérons comme nos amis.
Mais l’homme
est un être complexe qui change indéfiniment. Les enjeux, les centres d’intérêt
ou les qualités qui constituent le ciment de l’amitié évoluent imperceptiblement
au fil des années. Quand ce liant vient à disparaître partiellement ou
entièrement, les tensions peuvent survenir et aboutir à une rupture. Pour garder
ses amis, il est donc nécessaire d’entretenir ce ciment relationnel. Cela est
possible si les amis augmentent la fréquence de leurs interactions, comme se
voir ou s’appeler plus souvent. Même en cas de « refroidissement » de l’amitié,
les concernés doivent conserver des contacts plus ou moins fréquents qui pourront
favoriser le réchauffement de leurs relations.
En outre,
plus l’intimité est grande entre des amis, plus fortes sont les chances que
leurs relations perdurent.
Cela
implique de partager avec nos amis les moments les plus importants de notre vie
(mariage, soutenance, anniversaire…) et de solliciter leurs conseils en cas de besoin.
Il est également fondamental de montrer nos émotions lorsque nos amis
traversent des moments joyeux ou malheureux. Cette attitude empathique renforcera
assurément l’affection qu’ils ont pour nous.
Enfin, il
faut ajouter que les amis doivent veiller à se « renvoyer l’ascenseur ».
Lorsque les services rendus ne sont pas réciproques, lorsque l’un donne
beaucoup plus que l’autre, on sort peu à peu de l’amitié pour tendre vers des
rapports d’allégeance qui favorisent des relations toxiques.
Évidemment,
ces actions ne constituent pas une panacée dans la mesure où diverses
contingences menacent les relations amicales. Toutefois, elles peuvent permettre
de garder ses amis pour peu que les parties impliquées dans la relation amicale
souhaitent vraiment conserver leur amitié.
Serge Gohou
(sociologue, contributeur)