En Afrique, les processus conciliatoires se dénouent plus facilement dans certains contextes sociaux, notamment les anniversaires, les mariages et les obsèques. Interrogeons-nous sur les mécanismes qui favorisent le succès de ces arbitrages.
Il est utile
de faire remarquer, d’entrée de jeu, que les anniversaires, les mariages et les
obsèques sont des cadres sociaux dont les enjeux facilitent les rencontres et
les échanges entre les hommes, et par là même, les processus conciliatoires. En
effet, qu’ils soient des moments de joie exubérante ou de profonde tristesse,
ces événements ont un point commun : ils impliquent la présence du groupe autour
des individus directement concernés par leur avènement.
Ainsi, la
participation à des célébrations de naissances constitue une importante phase
de socialisation permettant de renforcer l’unité, d’identifier les amis
proches, de comprendre l’importance des présents, etc. De même, les mariages
restent des évènements privilégiés, de véritables institutions sociales qui
assurent l’accès à des statuts enviables et à une reconnaissance sociale
indéniable, aussi bien aux contractants qu’à leur entourage. Les mariages
transcendent les couples qui le contractent puisqu’ils ne sont presque jamais
l’affaire de simples « individus ». Ils impliquent au contraire l’interaction
de plusieurs groupes sociaux, peuples et cultures dont ils assurent le trait
d’union. Dans un tel contexte, les mariages deviennent en quelque sorte des «
biens rares », fortement recherchés, appréciés et attendus quasiment par tous
les Hommes. Quant aux obsèques, ce sont des moments dont la solennité rend
nécessaire la participation de toutes les personnes plus ou moins touchées par
le deuil.
On comprend
mieux pourquoi les anniversaires, les mariages et les obsèques parviennent à
drainer tant de monde et à créer de l’interaction, ce qui est un véritable
atout en termes d’aide à la désescalade. En outre, les anniversaires, mariages
et obsèques sont des moments d’intenses transactions émotionnelles entre les
participants qui peuvent générer des ambiances relationnelles plus ou moins
apaisées.
Notons à cet
effet que les personnes participant à ces rassemblements partagent des
attentions réciproques pendant leur déroulement. Elles ont là l’occasion de satisfaire
leurs propres besoins de sécurité en termes de construction de cercles
affectifs stables et de combler leur besoin d’appartenance par l’assurance d’être
aimées, d’avoir des amis et de faire partie d’une véritable communauté. C’est
pourquoi on observe, au cours des obsèques, que la présence de nombreux parents,
amis et connaissances donne souvent lieu à de « joyeuses »
retrouvailles, à des moments de partages conviviaux qui peuvent parfois faire
oublier la nature même de l’événement, c’est-à-dire la tristesse du deuil.
D’ailleurs,
une croyance vivace en Côte d’Ivoire veut que les contentieux accumulés soient
définitivement vidés lors de funérailles réunissant les protagonistes.
Les
anniversaires, les mariages et les obsèques ne sont pas des banalités ou des
corvées. Ce sont des évènements exceptionnels, tant par leur capacité à créer
du lien social qu’à le renforcer. Nous devons les apprécier à leur juste
valeur, pour notre plus grand bonheur et celui des autres.
Serge Gohou
(sociologue)