En Afrique, difficile d’avoir des prêts bancaires. Conditions et garanties, pour y avoir accès. En fin de course, des taux d’intérêts élevés. Dans l’informel, la tontine fait recette. Une affaire de solidarité, et de femmes.
Ce matin-là,
ses deux enfants jouaient dans l’arrière-cour avec leurs copains du quartier.
Ils avaient réussi à perturber sa grâce matinée. Aliman, cinquantenaire et
veuve, pouvait à peine profiter de ce dernier dimanche de fin d’année, parce
que la veille, le père Noël avait visité sa petite famille. Et cela, grâce à
l’argent encaissé à la tontine et qui lui permit d’acheter des jouets pour sa progéniture.
Une chance en or que la ronde soit tombée, à une période si sensible, sur cette
commerçante.
Pour de
nombreuses femmes sur le continent, ce combat est quotidien. Sans répit, elles
endurent les vicissitudes de la vie. À ce moment-là, la tontine permet de
sauver les meubles, et de rester digne.
Une sécurité
sociale qui s’est substituée au système public, trop complexe et contraignant. La
tontine est une pratique sociale très ancrée dans les mœurs africaines. À
chaque rencontre, les femmes entretiennent les relations. « On papote, on
festoie, on se dispute ou on se réconcilie », explique maman Aliman. La
vocation initiale de cette épargne informelle et de socialisation, est
d’assister les membres face à des difficultés de la vie. Pour la plupart, la
tontine est ainsi devenue une priorité.
D’ailleurs,
c’est une obligation forte à laquelle l’adhérente ne peut se soustraire, de
crainte de subir des pressions sociales. Son succès réside surtout dans la
confiance entre les adhérentes.
Au-delà des
perceptions erronées, les microfinances ou micro-crédits ont perçu ce nouveau modèle
économique : la tontine. « Leur cible, les petites commerçantes ». Ces femmes
n’avaient pas accès à la banque classique. Elles ont trouvé un mécanisme de
thésaurisation pour financer directement leur projet », révèle dame Aliman. Au Rwanda,
42 % des habitants ont recourt à la tontine, selon la Banque nationale (Bnr).
Au Benin, c’est 60 % de la population qui s’y prête, selon l’Institut national de
la statistique et d’analyse économique (Insae).
Très
élaboré, le système se décline sous quatre catégories : (1) les associations
d’échange rotatif d’argent, modèle de tontine simple où chaque membre reçoit
tour à tour le total des dépôts réunis, qui ne produisent pas d’intérêt
financier ;
(2) les
associations d’échange rotatif de travail, fonctionnant selon le même schéma
rotatif, où chaque membre bénéficie à tour de rôle du travail de tous les
autres ; (3) les associations d’entraide de profil mutualiste, où les membres
alimentent régulièrement un fonds qui sert à couvrir les frais liés à certains
évènements imprévisibles ; (4) les associations d’entraide de profil
coopératif, stade transitoire entre tontine et coopérative. De nouvelles formes
de tontines participatives, parfois à l’épreuve du numérique, voient le jour :
le crowdfunding, le crowdlending, le crowdequity, etc. In fine, la tontine a
des répercussions positives sur l’économie locale. Parce qu’ « elle encourage
l’entrepreneuriat, augmente les revenus des souscripteurs et évite la
dépendance aux dons ou aux usuriers locaux », révèle Sylvie Bissaloué, docteur
en droit privé.
À
l’évidence, la tontine (mutuelle, commerciale ou financière) constitue à la
fois une épargne et un crédit. Sa réglementation devrait permettre de faciliter
la constitution et la gestion des groupements, d’offrir des garanties
solidaires aux membres et surtout, de contrôler le flux financier généré par
elle. Cela devrait aussi permettre d’élargir l’assiette fiscale des États.
C’est avant
tout, un puissant levier d’émancipation économique pour les femmes africaines.
Ces « non bancables ».
La rédaction