Il n’y a rien de gratuit, quand nous regardons de près au monde dans lequel nous vivons. Il n’y a rien d’innocent quand nous regardons de près aux mots qui circulent et qui s’échangent, aux habitudes qui naissent et qui prospèrent, aux tendances qui se créent, qui durent le temps d’une saison ou d’une génération.
Et il n’y a
certainement plus beaucoup de place pour ce qui est spontané, pour ce qui ne
répond à aucun calcul, pour ce qui n’est pas né pour créer du profit, pour ce qui
ne va pas discriminer en faveur des plus forts et des plus nantis, pour ce qui
n’ait été prémédité pour arriver à point nommé.
Dans un
monde comme celui que je décris, que reste-t-il à ceux qui agissent, à
contre-courant de ce flot qui emporte tout sur son passage, à ceux dont on dit
qu’ils mènent un combat d’arrière-garde ?
Que
reste-t-il à ceux qui pensent, qui militent et qui créent pour simplement dire
et partager consciemment ce en quoi, ils croient, lorsqu’ils savent qu’ils ne
font pas l’unanimité ?
En réalité,
nombreux sont ceux qui, aux commandes de ce monde, voudraient que nous pensions
et vivions tous de la même manière, que nous mangions et buvions tous à
l’identique, que nous nous habillions pareil et que nous œuvrions à façonner
puis à consolider un monde dans lequel, une seule opinion, une seule pensée
dominerait.
Au nombre
des résistants à cette pensée unique, il y a tous ceux et toutes celles qui
comprennent qu’il est essentiel pour toute communauté de vivre son identité, de
la clamer, de la partager, d’en vanter ce qui la caractérise et d’assumer sa différence.
Il m’a été
donné de vivre, il y a quelques mois, un bel exemple de cette résistance
intelligente. Une jeune dame organisait une exposition dans une des plus belles
galeries de notre pays, pour faire découvrir ce trait caractéristique de la beauté
noire qu’est le cheveu crépu.
Célébrer le
cheveu crépu, le faire découvrir ou redécouvrir, n’était pas une manifestation argumentée,
ce n’était pas une revendication.
C’est juste
une affirmation identitaire, mais au-delà j’y vois l’opportunité offerte d’une
déclaration consciente, qui confirme que rien dans notre monde aujourd’hui
n’est gratuit, innocent ou même coïncidence.
Le champ de
bataille, c’est l’esprit. Tellement de choses se jouent dans les non-dits, lorsque
de manière discrète, sournoise, mais jamais innocente, tout est fait pour que
nous rejetions la nature même de ce que nous sommes.
Cette belle
manifestation pour l’esthétique et la beauté du cheveu crépu participe à
reconnaître qui nous sommes, par nous-mêmes et pour nous-mêmes, en nous aidant
à nous affranchir des codes esthétiques imposés pour redevenir les personnes
que nous sommes en vérité.
Je suis
admiratif de ce type d’initiative, parce qu’elle participe à changer le regard
que nous portons sur nous Africains Noirs et que le monde porte sur nous.
J’ai
supporté cette initiative parce qu’elle nous inspire à rechercher ce qui, dans
l’histoire de nos peuples, reste encore caché et donc méconnu, mais qui doit
participer à transformer la considération que nous avons pour l’Afrique et son
histoire.
Célébrer le
cheveu crépu montre comment, simplement mais très intelligemment, il est
possible de participer, de sa place, à nous convertir en acteurs conscients de
notre développement.
Toutes les
formes de l’art, écriture, photographie, sculpture, danse, film, bien mieux que
la politique, peuvent participer ensemble à forger le type nouveau de
l’Africain dont notre Afrique a besoin, pour se développer et jouer pleinement
le rôle qui est le sien, à la hauteur de son vrai potentiel.
Cela aussi
participe au retour aux valeurs. Ensemble, écrivons l’histoire.
Gilles Atayi
(Directeur associé de G&A Africa Consulting