Le savoir puise son prestige de toute la sacralité que lui confère l’Islam et qui en fait une pierre angulaire de l’éducation, comme impératif de la socialisation de l’individu. Mieux, le savoir au service de l’éducation doit contribuer à valoriser les rapports de l’homme à Son Créateur, au-delà de la dimension sociologique et des contingences existentielles.
Entre humaniser l’individu pour mieux le rapprocher de Son Créateur dans le respect des valeurs morales et spirituelles et lui offrir l’opportunité d’une pleine réalisation sociale et professionnelle, le choix n’a pas toujours été univoque dans le temps et l’espace, lorsqu’il s’est agi de l’offre éducative des structures islamiques. « La recherche du savoir est une obligation pour tout musulman » a dit le Messager d’ALLAH, saw.
Tout au
plus, cette architecture a évolué ici sous nos tropiques avec l’implication active
des autorités publiques et des dignitaires religieux musulmans. La question de
l’éducation n’est plus traitée sous le seul prisme de la dimension
désintéressée et spirituelle, mais elle est appréciée dans sa forme globale.
APPROCHE TRADITIONNELLE
Les
structures islamiques d’éducation traditionnelle en Côte d’Ivoire et dans nos
pays de la sous-région, n’avaient pas fondamentalement vocation à offrir des ressources
pédagogiques dans le sens de l’insertion socioprofessionnelle des apprenants.
Ils voyaient
ces offres comme des cadres d’enseignement de la religion, de transmission de
l’héritage spirituel de promotion de l’Islam. Les questions d’ordres matériels
n’étaient pas fondamentalement les plus lancinantes, dans la mesure où le mode
de vie social et communautaire était beaucoup basé sur la solidarité agissante et
où chacun bénéficiait de l’aide et l’assistance de tous.
Les enfants
admis dans ces centres d’apprentissage n’y allaient pas pour résoudre des
questions d’ordre existentiel.
D’ailleurs,
certains y envoyaient leurs enfants, juste pour l’apprentissage du Saint Coran,
entendu qu’ils devaient plus tard vaquer à d’autres occupations pour leur
socialisation.
La plus
grande préoccupation était de les armer et les initier au monde des valeurs, pour
les aider à vivre en toute obéissance à Allah et en toute responsabilité et
dignité au sein du corpus communautaire et sociétal.
Les années
ont coulé sous le pont et les contingences actuelles exigent de changer de
vision et de stratégie. Déjà à l’époque, les élèves qui allaient jusqu’au
baccalauréat étaient obligés d’opter pour les pays arabes pour leurs études
supérieures, dans la mesure où la langue d’apprentissage n’était que l’arabe Conséquence,
vous aviez de brillants cerveaux qui revenaient au pays, pas toujours avec des
diplômes en science Islamique, mais dans diverses disciplines, sans être à même
de s’insérer dans le tissu professionnel, la langue devenant un facteur de
blocage. La question de l’équivalence des diplômes obtenus dans les pays arabes
n’a jusque-là pas été résolue.
La
communauté musulmane est consciente de la problématique, les initiatives et les
plaidoyers se multiplient auprès des décideurs politiques jusqu’à un aboutissement
heureux qui offre aux structures d’éducation islamique, l’opportunité de faire
corps avec le programme national.
LE REMODELEMENT DE LA VISION
Des leaders
de la Communauté musulmane qui ont été des cadres de l’administration publique sensibilisent
leurs membres et partagent avec eux, la vision prospective de la communauté.
Former des musulmans pénétrés des valeurs citoyennes, morales et spirituelles à
la fois, pour en faire des cadres, des acteurs compétents, intègres et engagés
pour le développement de la communauté et de la nation.
Des
établissements émergent, des projets se ficellent, la grande majorité se
désolidarise des anciennes pesanteurs.
L’homme qui
a faim ne sera nécessairement pas assez libre pour prêcher la parole de Dieu ou
se comporter comme un lieutenant responsable sur terre, mais le sera
certainement, si le corps est investi dans tous ses droits. L’Islam sacralise
le travail au point où plusieurs enseignements jurisprudentiels indiquent que
celui qui nourrit le serviteur qui passe tout son temps à adorer Dieu à plus de
valeur auprès de Son Seigneur.
Ces baraques
parfois érigées par certains supposés maîtres coraniques où les enfants sont
plus soumis à des formes d’abrutissement et de mémorisation forcée et mécanique
du Saint Coran ou le cas des enfants talibés exploités à des fins de mendicité dans
bien des cas, ne répond à aucune pédagogie et enseignement islamique.
Il suffit de
se rendre dans les pays Arabes musulmans pour voir le niveau de prestige des
cadres d’apprentissage et de la qualité de l’enseignement pour se rendre compte
que dans nos pays, la tradition a parfois plus été célébrée que l’Islam dans ses
dimensions.
Aujourd’hui,
l’État s’est engagé à accompagner les promoteurs de toutes ces structures pour
leur intégration dans le système formel, en les aidant au respect des cahiers
de charges qui en découlent, la vision étant celle déclinée par le Plan sectoriel
éducation-formation 2016-2025 qui vise à « assurer à tous les enfants et
adultes une éducation et une formation de qualité, équitable et inclusive, qui
prend en compte les besoins de transformation du citoyen, le rend capable de
contribuer au développement socio-économique de sa communauté et de la société
ivoirienne, de favoriser la cohésion sociale et lui apporter les capacités de
compétitivité et d’innovation technologique ».
Les zones de
résistance des promoteurs de structures islamiques d’éducation sont devenues
alors marginales, celles qui persistent le plus étant parfois affiliées à des
organisations religieuses d’autres pays, et ce, le plus souvent dans certaines
zones rurales et frontalières.
De toute évidence, la communauté musulmane multiplie les initiatives pour donner un nouveau visage à l’éducation islamique en Côte d’Ivoire.
À l’aide
donc de la stratégie nationale d’intégration des enfants des structures
islamiques d’éducation dans le système éducatif formel (SNIESIE), l’Etat de
Côte d’Ivoire veut se donner les moyens pour assurer l’intégration des 3.416
structures islamiques d’éducation dénombrées.
Il n’est
plus question de marcher en autarcie, mais d’apporter plutôt une plus-value qui
armerait davantage les élèves issus de ces structures. En plus du programme
officiel, ils apporteront la pratique de la langue arabe et aussi de la
religion à leurs apprenants, toute chose qui fera d’eux des citoyens pleins.
L’homme
n’est pas une entité détachable, agir pour son bien, suppose la prise en compte
des besoins spécifiques de toutes ses dimensions. C’est de cet équilibre que
naît son bonheur.
Le Messager
d’ALLAH saw avait autour de lui de grands hommes d’affaires pieux. Ils
s’adonnaient à leurs occupations mondaines pour avoir les moyens licites de
vivre dignement et d’aider l’Islam et ils excellaient dans la spiritualité.
El Hadj Diabaté
Fousséni, journaliste-écrivain