À la maison comme au boulot, ces jeunes dames sont actives. Elles croquent chaque seconde de la journée. À tel point qu’elles ont inventé la vingt-cinquième heure. En vérité, ces adeptes de l’excellence tirent les ficelles du développement, de la société ivoirienne.
Nouvelle
génération de femmes. Patronnes ou pas, ces jeunes dames ont à cœur de faire
bouger les choses. Sans les résultats escomptés, elles ne mériteraient pas leur
réputation de working girls.
Leur agenda
vacille entre passion et engagement. Travail, famille, couple. Elles ont une
grande ressource créative pour être présentes sur tous ces tableaux. C’est
clair, elles ont fait le choix d’affirmer et d’assumer leur place dans la
société ivoirienne. Sous cette ère, et avec un air sérieux, «ne les appelez
plus secrétaires, mais assistantes », nous explique clairement Yao Yao Charles,
agent immobilier.
Elles ont
divorcé avec les complexes de leurs grands-mères et assument leur statut de
femmes émancipées. Elles tiennent aussi à payer les factures et à donner leurs
avis sur les orientations de la famille, lorsqu’elles sont en couple.
Dans les
mines, les finances, les BTP, la communication... elles dévorent leur travail
pour (ré)affirmer savoir-faire et savoir-être. Indépendance et liberté aussi.
La
récompense n’est pas toujours au rendez-vous des efforts consentis. Du moins à
court terme. Pour autant, « elles ne lâchent pas l’affaire ». Il suffit de
regarder juste derrière (à côté, c’est plus approprié !) des grands patrons.
Elles manœuvrent subtilement pour que le bateau arrive à bon port. « J’ai une
collègue au ministère, qui travaille comme une forcenée. À côté d’elle, j’ai
l’impression de ne rien faire... », nous confie Malika Coulibaly, chargée
d’études.
Même avec un
faible niveau d’influence, elles réussissent (tout de même) à convaincre. Entre
une urgence (de famille) et une priorité (de l’entreprise), le choix est vite
fait. Grâce à leur sens du sacrifice et de l’efficacité. Une sorte d’intuition qui
fait d’elles des conseillères avisées pour la prise de décisions. Quasi
infaillibles en plus. Les working girls se démarquent...
PROFIL
Les working
girls bousculent les règles établies. Elles n’hésitent pas à jouer les premiers
rôles, même si ce n’est pas le but recherché. Quand c’est le cas, elles restent
-tout de même-des femmes à part entière, qui soufflent le chaud et le froid
quand il le faut. Pour elles, il n’y aurait de sexe faible que dans l’esprit de
certaines gens. « Il faut apprendre à les respecter et à les intégrer dans le
développement de l’entreprise... », nous indique Chrystelle Djedjro,
infirmière.
Vous les
verrez au bureau parfois en pantalon, hauts talons... et sac à main. Tenue
classique avec un air organisé et distingué. Ainsi, elles se faufilent aisément
dans le monde parfois cruel de l’entreprise. Elles adorent travailler en équipe
pour mener à bien les projets. Ces énormes dossiers que la plupart fuient, par
peur d’échouer. Elles rentrent généralement à 19h, au plus tôt. « Je ne quitte
pas le bureau tant que le boss n’a pas fini... », nous lance fermement Nadège
Oulaye, agent comptable.
Afin de
pouvoir tenir la route, certaines ont réussi à consentir des sacrifices.
Parfois jusqu’à quatre (4) ans sans enfants -pour les plus extrêmes. La
carrière étant la priorité des priorités. À l’inverse, d’autres ont pris la
précaution de les faire à leur jeune âge. Un (1), voire deux (2) enfants ;
après quoi, focus sur ce qui pourrait contribuer à leur éducation.
Elles sont
unanimes sur la question : mon mari, c’est mon travail. Dans le foyer, il faut
une bonne raison pour les convaincre de faire un enfant alors qu’elles sont
dans une démarche irréversible. « J’ai une amie qui est mariée à un Européen.
Celui-ci lui demande de faire un enfant en ce moment. Mais, elle dit : niet »,
nous souffle Rima Karaki, habitante de la commune de Marcory (Zone 4C).
Leur plus
grande difficulté, c’est de trouver un partenaire à même de les comprendre.
Harmoniser les plans et les objectifs du couple, ce n’est pas une partie gagnée
d’avance.
Surtout avec
les beaux-parents. Pour ces derniers, « lorsque l’homme se plie aux souhaits de
madame, c’est que c’est un poltron », nous révèle Ernestine Kouadio,
gouvernante de maison. Et d’ajouter : « Dans ces cas précis, tout est fait pour
chasser la femme. La famille du conjoint la remplace par une [autre] plus douce
». Qu’importe la situation, les working girls s’adaptent...
MÈRE-PÈRE
L’homme est
souventefois absent, pour une raison ou pour une autre. Elles sont donc amenées
à jouer les deux (2) rôles. Leurs efforts sont fonction à la fois du nombre
d’enfants, des exigences du boulot et des moyens financiers. Ces jeunes dames
ont appris à faire les choses d’elles-mêmes.
Très souvent
seules à l’étranger (hors de la famille) pour les études, cela a forgé leur
habitude de confiance. Ce qui fait qu’une fois en entreprise, elles se
surpassent. « Mon mari a été muté, en pleine année scolaire, dans une autre
ville. Je ne pouvais donc pas partir avec lui, les enfants non plus. J’ai dû
m’occuper d’eux toute seule jusqu’à ce que les choses rentrent dans l’ordre
[administrativement] »
Les working
girls ivoiriennes considèrent que tout est possible pour qui veut. Pour se
tirer donc d’affaire, elles s’imposent des mesures draconiennes. Un planning
serré qui leur permet de répondre aux engagements professionnels.
« J’ai ma sœur
aînée qui a travaillé tout le temps de sa grossesse. Jusqu’à la veille de son
accouchement, elle était en service. Je me demandais comment elle faisait pour tenir...
», se souvient Hervé Dangui, chauffeur de taxi à San Pedro.
Et parce que
ce n’est pas toujours évident, d’autres ont décidé de se replier sur la maison.
L’éducation, selon elles, est un travail à part entière, que ces working girls
planifient.
WORKING HOME
Les enfants,
portent ombrage à leur propre leadership ? Certainement non. Il faut avoir du
cran pour concilier sa carrière avec la vie de sa famille, l’avenir de sa
progéniture.
Ce qui
devait s’apparenter à un talon d’Achille se transforme en une force. Malgré
leur statut de parents, elles sont capables de continuer à travailler. Cette
fois, c’est à partir de la maison que tout se passe.
« J’ai été
obligée de démissionner pour m’occuper de ma première fille. Ma petite économie
m’a permis de gérer la transition. Avant que Monelle n’ait deux (2) ans, j’ai
commencé à ouvrir mon propre business. Cela me permettait aussi de gérer,
moi-même, plus facilement, mon emploi du temps et de m’occuper de ma princesse...
», nous lâche fièrement
Mariétou
Coulibaly, propriétaire de magasins de vêtements et de beauté. La culture
ivoirienne ne favorise pas encore véritablement les garderies (publiques ou
privées). Quand ce n’est pas la mère (ou la tante), c’est une sœur (ou une
cousine) qui prend le relais pendant que la working girl se repose ou gère les rendez-vous.
Les plus nanties se font accompagner par des professionnelles. « Je n’aurais pas
pu m’en sortir si je n’avais pas de nounou chez moi. Ça me revenait un peu
cher, mais cela valait le sacrifice... », nous confesse Pascaline N’Gouan.
Elles ont
réussi à se faire toutes seules par leur propre travail, même étant en couple
(non-sens, contradictoire). C’est une question de volonté et de mentalité,
comme l’on peut le voir au quotidien, partout en Côte d’Ivoire. Les femmes des zones
rurales ne sont pas en reste de ce phénomène. Les politiques devraient intégrer
cette donne dans leur stratégie, parce que l’émergence passe aussi par les
working girls.
La rédaction