Offrir le meilleur de soi ? Pari osé et presque intenable dans des sociétés humaines au sein desquelles ne vivent, selon Machiavel (1469-1527), que des individus cupides et surtout ingrats.
Comment, en
effet, se donner corps et âme dans des entreprises, des organisations et des
relations humaines qui, de nos jours, ne se réalisent qu’à l’aune du calcul
rationnel et des intérêts individuels ?
Pourquoi
devrais-je me tuer à la tâche, au boulot ? Après tout, je ne suis pas le ou la
seul(e) employé(e) de la boîte et, d’ailleurs mon zèle ne sera certainement pas
rémunéré. Suis-je obligé(e) d’être là chaque matin à faire la toilette de ce
parent dont l’état de santé ne fait qu’empirer pendant que les autres membres
de la famille «se la coulent douce » ? Devrais-je continuer d’être
conciliant(e) envers ce/cette conjoint (e) capricieux (se) ?
Autant de
questions qui, chaque fois qu’elles sont posées, remettent en cause
l’opportunité du don de soi et surtout du meilleur de soi dans un monde
individualiste, caractérisé par le repli sur soi.
Cependant,
comme le pense Lao Tseu, l’esprit sage sait que : plus il donne aux autres,
plus il a pour lui-même. Ainsi, offrir le meilleur de soi, c’est-à-dire
effectuer des prestations de biens et de services au-delà des attentes de
l’altérité, sans garantie de retour, est une pratique, quoiqu’ incompréhensible
pour l’homme moderne habitué aux relations tarifées, qui comporte bien
d’avantages pour notre développement personnel et social.
En effet,
offrir le meilleur de soi dans les relations sociales dans lesquelles nous
sommes impliqué(e) contribue à renforcer nos liens à autrui. Et ce, dans la
mesure où plus et mieux nous lui donnons, plus grande sera sa redevabilité envers
nous, générant ainsi un cercle vertueux qui ne risque pas de se rompre et
confirmant cette assertion de l’Abbé Pierre tirée des Saintes Écritures :
« On n’est
jamais aussi heureux que dans la satisfaction qu’on apporte aux autres. Donner,
c’est recevoir. Ne nous lassons pas de faire le bien, car nous moissonnerons au
temps convenable si nous ne nous relâchons pas. »
Serge Gohou
(sociologue)