La porte de la miséricorde divine est-elle ouverte à toutes celles et tous ceux qui sont « moralement et spirituellement chargés », ceux dont l’âme ploie chaque jour sous le poids de la gibbosité des souillures et des péchés, ceux qui ont du mal à s’observer dans le miroir de leur conscience, parce qu’embourbés dans les crevasses et les immondices de l’égarement ? Quelle peut-être la conséquence logique du péché, si ce n’est le courroux divin ? Le Seigneur n’a-t-il pas décrété : « Je remplirai l’enfer des djinns et des gens tous ensemble. » ? S 32 V 13.
Dieu pardonne-t-il tous les péchés en islam ?
N’ont-ils
pas raison, ces croyants qui ont fini par se soustraire de toute forme
d’adoration, parce que jugés et étiquetés et finalement convaincus de n’être
que des combustibles pour l’enfer ?
Il n’est
donc pas rare d’entendre dire : « J’ai honte de m’adresser à mon Seigneur parce
que je me sens sale, ou à quoi bon prier alors que je suis encore trempé dans
le péché ? ». Certains en sont même parvenus à décréter le sort de leur âme en
disant être convaincus de ne pouvoir bénéficier de la clémence divine.
Et pourtant,
Il est le Pardon par excellence, de qui émane le pardon absolu et qui pardonne
à tout pêcheur, exception faite de circonstances exceptionnelles.
L’absoluté
du pardon divin
Dieu
pardonne-t-il tout péché ?
Le Saint
Coran apporte la réponse avec éloquence : « Certes, Allah ne pardonne pas qu’on
Lui donne un associé. En dehors de cela, Il pardonne à qui Il veut. Mais
quiconque donne à Allah un associé, se rend coupable d’un immense péché »
Sourate 9 v 48.
De toute
évidence, le pire des péchés en Islam est le polythéisme et l’associationnisme
(le shirk). Il constitue une sorte d’irrévérence coupable vis-à-vis d’Allah,
une négation de Sa Grandeur et Sa Magnanimité. Celui qui, délibérément, se
soumet au desiderata de l’ennemi déclaré et commun (le diable) et qui s’engage
dans une dynamique de rébellion et de reniement de la Majesté divine ne peut
que s’en prendre à lui-même.
Ce verset
coranique implique que Dieu peut pardonner tout péché le jour de la
résurrection pour celui qui est mort dans la désobéissance, mais jamais à
l’associationniste.
Suivant les
enseignements prophétiques, le pécheur ordinaire peut passer par un supplice
passager et bénéficier de la Miséricorde divine, une grâce dont
l’associationniste et le polythéiste sont sevrés.
Toutefois,
Dieu pardonne à tout associationniste qui se repent sincèrement avant sa mort,
peu importe l’énormité des péchés. D’ailleurs, au nombre des compagnons pieux du
Messager d’Allah Saw, beaucoup avaient adoré les fétiches avant leur conversion
à l’Islam. Cela ne les a pas empêchés de devenir des croyants illuminés après
leur conversion et réforme spirituelle.
Par
ailleurs, ce passage coranique n’est pas une caution au péché, entendu que des
supplices spécifiques sont dédiés à chaque catégorie de péché, suivant les
niveaux de gravité.
On trouve
dans les enseignements jurisprudentiels plus de soixante-dix grands péchés pour
lesquels sont affectés des supplices de l’enfer. Mais heureux celui qui procède
à un repentir sincère et une réforme spirituelle avant sa mort. Le Messager
d’Allah, Mouhammad saw a évoqué l’histoire d’un homme qui avait tué
quatre-vingt-dix-neuf (99) personnes et qui aura le paradis, parce qu’il a
décidé de se repentir et se reformer avant sa mort.
Cela ne fait
donc l’ombre du moindre doute, Allah pardonne tout péché. Mieux, Allah ne fait
pas que pardonner au pécheur qui se repent avec sincérité et qui se réforme
moralement et spirituellement, Il fait de ses péchés passés, des aumônes et des
œuvres de bienfaisance. « Ceux-là Allah changera leurs mauvaises actions en
bonnes, et Allah est Pardonneur et Miséricordieux. » S 25. V70 Un enseignement
unique qui met à nu la profondeur de la dimension de miséricorde et de pardon
en Islam, quoique la rémission totale de péché reste soumise à une démarche de
sincérité.
Les
conditions du repentir sincère
La première
démarche ou dimension du repentir se déclenche avec la prise de conscience
effective de la nuisance de l’acte posé par le croyant et la décision irrévocable
de son arrêt immédiat. Il n’est pas loisible de prétendre à la purification de
soi en étant trempé dans la boue.
Dieu ne
pardonne véritablement que lorsque le croyant prend conscience du péché et
décide d’y mettre définitivement fin.
Ce n’est
alors qu’intervient la demande de pardon sincère formulée et adressée au
Seigneur par rapport au péché commis. Cela peut se faire formellement par
l’observation ou l’exécution d’unités de prières surérogatoires au choix (rakkats),
à la fin desquelles, le pécheur formule ses demandes de pardon au Seigneur.
Il n’est pas
permis au musulman, une fois passée cette étape, de douter le moindre instant
du pardon divin. Ce qui éloigne de la miséricorde divine est le doute et
l’hypocrisie et non la taille ou la monstruosité du péché. « Nous t’annonçons
la vérité. Ne sois donc pas de ceux qui désespèrent. Et qui désespère de la
miséricorde de son Seigneur, sinon les égarés ? ». S 13, V 55-56.
À la demande
de pardon, succède une troisième étape indispensable, pour l’aboutissement du
processus. Il s’agit de la formulation obligatoire de l’engagement devant Dieu de
ne plus commettre le ou les péchés en question. Cette formulation peut être
audible ou intime, mais le croyant doit s’engager impérativement et résolument
auprès du Seigneur à ne plus commettre le péché.
Cette
décision irrévocable, si elle est sincère, engendre une force spirituelle
protectrice et Illuminatrice qui aide à protéger le croyant de la tentation.
Naturellement, il devra adopter un comportement qui le mette à l’abri du péché.
Par exemple, on ne peut prétendre au repentir sincère après un acte d’adultère
ou de fornication si l’on continue de tenter le diable en entretenant des
relations ou en traînant ses pas dans des endroits où la tentation est forte.
Une autre
dimension quasi importante dans le repentir sincère est celle de
l’établissement de la justice sociale, horizontale et humaine. Dieu pardonne à
toutes nos offenses si ceux qui les ont subies nous accordent leur pardon.
Celui-ci est
supposé requis si notre demande de pardon est sincère, même si le sujet refuse
de nous l’accorder.
Ainsi, s’il
s’agit d’un bien exproprié par exemple, il devra le restituer à l’ayant droit.
Ainsi, le
Messager d’ALLAH a dit : « Craignez le jour où une brebis qui a cassé les
cornes d’une autre la lui restituera ». Toute injustice sera réparée.
Le jour de
la rétribution, on prendra des biens du fautif pour réparer ses torts ou ses
injustices. Et s’il n’a plus de bonnes œuvres, on prendra des péchés de ses
victimes pour les lui attribuer à juste proportion de réparation. Une injonction
divine qui oblige le croyant à fuir l’injustice, à éviter d’importuner son
prochain, peu importe ses croyances, à ne pas abuser du peu de pouvoir que Dieu
nous délègue, car les forts de ce monde seront les faibles de demain, jusqu’à
ce qu’ils rendent compte de leur injustice ou de l’abus de leur pouvoir.
Si la
personne à qui le mal est fait est introuvable, l’on est tenu d’accomplir des
d’aumônes en son nom, afin que cela soit une source d’expiation et un
témoignage en sa faveur le jour des comptes.
Toutes ces
étapes ont pour fondation unique et inamovible, la sincérité, conformément aux
dires et enseignements prophétiques. «
Certes,
Allah ne regarde pas vos corps ni vos apparences, mais Il regarde vos cœurs et
vos œuvres » a dit le Messager d’Allah saw.
Le repentir
doit-être exécuté avec la sincérité de n’agir qu’avec la conviction intime de
plaire à Allah.
Il est
important de rappeler que si le croyant est sincère dans sa volonté à tout
sacrifier pour Dieu et à renoncer à tout supposé avantage lié à l’acte
répréhensible, en ce moment, le Seigneur le couvre d’une lumière divine et spirituelle
qui lui permet de résister désormais aux péchés.
Le repentir
sincère ne se retarde pas, car la vie est frêle et il doit être exécuté dès
l’instant où le croyant est informé de la nature du péché. Et même s’il
rechutait, il devra reprendre l’acte du repentir, persévérer dans les œuvres
spirituelles jusqu’à disposer de la force spirituelle requise pour s’en
délivrer.
L’exigence
de la réforme spirituelle
Le croyant
évolue sans cesse dans un environnement perpétuel de tentation pour son âme et
son cœur.
La seule
initiative de demande de pardon ne saurait suffire à le préserver indéfiniment,
s’il n’accompagne son repentir sincère d’une véritable initiative et volonté de
réforme spirituelle.
De prime
abord, le croyant peut faire suivre son repentir sincère de l’accomplissement
d’un certain nombre d’aumônes aux personnes vulnérables tels les veuves, les
orphelins démunis, parmi les vertueux et non les mendiants.
Les aumônes
embellissent le repentir. « L’aumône éteint le péché comme l’eau éteint le feu
», a dit le Messager d’Allah Saw. La constance dans l’observation de ces œuvres
pieuses s’inscrit aussi dans la dynamique de la réforme, entendu qu’elles
contribuent aussi à purifier l’âme et le cœur de leurs attraits pour les choses
mondaines comme source de tentation.
La réforme
spirituelle prend également en compte l’observation des actes surérogatoires,
en plus de ceux obligatoires. L’objectif visé est de faire en sorte d’être
toujours dans un conditionnement spirituel qui rappelle la présence divine, par
la fortification permanente de la foi.
À la suite
d’un repentir sincère, le croyant peut décider d’observer de manière constante
et régulière, la lecture, l’apprentissage et la méditation du Saint Coran, l’observation
de jeûnes et prières nocturnes surérogatoires, l’accomplissement de la Oumra ou
petit pèlerinage, la lecture religieuse, etc.
Il lui est
également loisible de participer aux activités religieuses et de fréquenter
régulièrement la mosquée pour l’accomplissement des différentes prières tant
que son calendrier lui en offre le loisir.
Cette
conjugaison de lumière ne peut que participer de son éveil et son illumination
spirituelle.
Il est
important toutefois, d’insister sur l’apprentissage et la lecture du Saint
Coran dans la langue de révélation, parce que cela contribue une véritable
source de revitalisation de la foi et un bouclier de protection contre les
susurrements du diable. La lecture coranique demeure la source la plus confortable
et sûre de protection pour le croyant contre le mal visible et invisible.
La réforme
spirituelle prend donc véritablement forme à partir du moment où le croyant
décide de mettre en place un programme qui l’aidera à préserver sa foi, à
accroître sa science, à l’aider dans l’observation constante des pratiques
religieuses obligatoires et surérogatoires et à fortifier sa piété.
En plus d’un
programme religieux rigoureux qui permet de préserver le croyant des tentations
et de la flétrissure de la foi, il doit désormais éviter les sources et les causes
du péché.
La chair
demeure faible et seuls la sincérité et le comportement exemplaire éloignent le
croyant des situations désobligeantes. Par exemple, pour la lutte contre la
fornication, le Saint Coran exhorte avec incision : « Et n’approchez point la
fornication. En vérité, c’est une turpitude et quel mauvais chemin. » S17 V 32.
Dans le
fond, l’âme reste constamment soumise à la tentation. « L’âme est très
incitatrice au mal, à moins que mon Seigneur, par miséricorde, [ne la préserve
du péché]. Mon Seigneur est certes Pardonneur et très Miséricordieux. » S 12 v
53.
La piété
n’est jamais définitivement acquise sans constance et persévérance. La lumière
de la foi s’entretient permanemment avec l’obéissance, la renonciation aux
péchés et la multiplication des œuvres surérogatoires : « Mon serviteur ne
s’est jamais rapproché de Moi par quelque chose qui Me soit plus aimé que ce que
J’ai rendu obligatoire sur lui. Et le serviteur ne cesse de se rapprocher de
Moi par les actions surérogatoires, jusqu’à ce que Je l’aime. Alors, lorsque Je
l’aime, Je deviens son ouïe par laquelle il entend, sa vue par laquelle il
voit, sa main par laquelle il attrape et son pied par lequel il marche ; s’il
Me demande quelque chose, Je le lui accorderai, et s’il Me demande Ma
protection, Je la lui donnerai. ». Hadith Qoudssi (enseignement prophétique de
source divine).
De façon
absolue, irrévocable et d’autorité, Allah pardonne tous les péchés, exception
faite de ceux non sincèrement repentis avant la mort du croyant, peu importe
leur gravité.
Aucun péché
ne conduit le musulman en enfer, s’il est suivi d’un repentir sincère, d’une
réforme spirituelle conséquente et d’un engagement résolu à ne plus sombrer
dans la même turpitude et bassesse.
Dieu a fait
du repentir sincère, la porte d’accès à la quête permanente de Sa Miséricorde.
Peu importe la monstruosité des actes posés, le véritable crime auprès d’Allah
est la désespérance en l’absoluté de son pardon.
Le désespoir
en la miséricorde divine est dès lors perçu comme un péché en Islam.
L’exhortation divine est sans ambages : « Ô Mes serviteurs qui avez commis des
excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d’Allah.
Car Allah pardonne tous les péchés. Oui, c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux.
» S39 V 53.
Le repentir,
s’il est véritablement sincère, abouti inexorablement à la réforme morale,
intellectuelle, ethnique et spirituelle du croyant. Les rechutes et les
tâtonnements du serviteur sont justement dus au manque de sincérité dans le
repentir et l’absence de consistance dans la volonté réelle de fermer les pages
sombres du péché.
Hier, des
personnes ont vécu dans les profondeurs des ténèbres et des abîmes. Elles ont
traîné leur âme dans tous les égouts nauséabonds de la bestialité et des péchés
accumulés.
Aujourd’hui,
la qualité de la sincérité de leur repentir et réforme spirituelle a fait la
différence et elles sont devenues de véritables lumières ambulantes, des modèles
d’exemplarité avérée et les portes de la miséricorde divine restent ouvertes
pour tous, tant que le processus du retrait de l’âme n’a pas encore été enclenché.
La vie est
extrêmement frêle et le repentir sincère ne devait être reporté par quiconque
et puisse ce message nous parvenir comme étant l’appel et La Main tendue de Notre
Seigneur. Amine (Ainsi soit-il par Allah).
El Hadj Diabaté
Fousséni (journaliste écrivain)