CE QUE LES FRUSTRATIONS VEULENT DIRE… Voir d’autres personnes posséder une chose qu’on désire ardemment, dont on perçoit comme plausible la possession, mais qu’on n’a pas, engendre bien souvent chez l’être humain des frustrations. Et, en tant qu’elles traduisent un décalage entre ce qu’un individu se croit en droit d’attendre et ce qu’il reçoit effectivement, les frustrations font partie des émotions les plus désagréables que puisse vivre l’être humain.
Cela n’est d’ailleurs pas étonnant. Sans tenir
compte des postures normatives de la religion ou de la morale, combien d’entre
nous seraient heureux de voir des postes ou positions tant convoités par soi
échoir encore et toujours à d’autres collègues ? Qui prendrait plaisir à
voir la situation des autres s’améliorer tandis que la sienne stagne ou
périclite ? Certains peut-être…mais pas grand monde c’est sûr ! Les
frustrations sont si exécrables que, pris sous leur pouvoir, la plupart d’entre
nous n’hésitent pas à basculer dans la jalousie, la haine, la médisance…croyant
y trouver les solutions pour la satisfaction de ses attentes. Le sociologue Ted
Gurr identifie même les frustrations comme l’un des principaux facteurs
déclencheurs de la révolte et de la violence chez l’être humain.
Ce qu’il faut faire…
Connaissant la détermination des hommes à
satisfaire leurs besoins qui ne peuvent se réaliser souvent qu’au détriment de
ceux de leurs semblables, on ne peut pas être très optimiste au sujet de la fin
des frustrations. Toutefois, si les frustrations sont inséparables de
l’existence humaine, il demeure possible de se mettre au-dessus d’elles et
d’éviter leurs dérives.
Pour cela, il faut d’abord intégrer le fait que
les frustrations sont généralement relatives, c’est-à-dire qu’elles ne durent
pas éternellement et concernent bien souvent un pan seulement de notre vie.
Plus clairement, disons que si on est frustré sur des thématiques dans le foyer
ou au travail par exemple, cela ne signifie pas qu’on l’est dans les autres
cadres sociaux. Il faudrait donc éviter de penser que toute la terre en a après
nous, minimisant ainsi les risques de pollution de nos rapports avec les
autres. Par ailleurs, il faut noter que les frustrations découlent avant tout
d’un auto-référencement aux autres. C’est parce que nous comparons notre
situation personnelle à celles de nos amis, frères, collègues, voisins etc. que
nous la percevons comme satisfaisante ou insatisfaisante.
Or, cet auto-référencement peut s’avérer
préjudiciable si on ne s’arrête qu’au stade de la simple comparaison et de la
complainte. Pour que cet auto-référencement nous soit bénéfique, il faudrait
qu’on le fasse dans l’optique d’évaluer notre trajectoire personnelle et de la
rectifier au besoin en faisant des efforts personnels et/ou en amenant les
autres à revoir leurs attitudes vis-à-vis de nous.
Par ailleurs, être patient et vivre un peu plus
selon ses propres choix, plans, objectifs et échéances pourraient permettre de
moins se référer à la vie des autres comme critère d’évaluation de la nôtre et
de réduire ainsi les risques de frustration.
Serge GOHOU
Sociologue