L’ouvrage dont il est question dans ce présent numéro d’Esprit Magazine, m’a été recommandé par un illustre journaliste, Michel Koffi. Il est écrit par un visage bien connu des Ivoiriens, Geneviève Wannée, connue en Côte d’Ivoire en tant que réalisatrice, animatrice, productrice, mais également artiste plasticienne.
Au fil des
pages, l’auteur (Mme T.), nous introduit dans sa vie, dans son monde, dans son
intimité ; on y partage ses peurs, ses douleurs, ses souffrances, mais aussi
ses espoirs. Comme des voyeurs, on est des témoins privilégiés de l’annonce
faite par son médecin de sa pathologie, le cancer du sein. Le verdict est tombé
et il est cruel. « L’intrus », puisque c’est ainsi qu’elle appellera cette
maladie tout au long de son ouvrage, veut s’installer dans sa chair et la
consumer à petit feu.
Cet ouvrage
est une invite au combat sans merci, contre « l’intrus », au refus de la
fatalité. Thérapeutiques à souhait, sont les mots. Aussi bien pour le lecteur
que pour l’auteur, ils soulagent :
« Écrire
pour extirper toutes les douleurs en veille, les expulser par la force des
mots, sous formes de poèmes, de citations de textes ». Qu’importe !
L’essentiel, pour elle, c’était d’exprimer son ressenti. Et de nous montrer
également, comment dans le creux de la vague, le soutien des proches peut être
salvateur.
Elle sait
pouvoir également compter sur son monde virtuel, deux amis avec qui elle
échange régulièrement des messages, via internet. Ils arrivent à tenir allumer
en elle, cette flamme qui n’aspire qu’à la vie. Un premier, lui écrit, entre
autres ceci :
« Oserais-tu
trahir la confiance de ceux qui te croient capable de vaincre ? Je te supplie
de ne point te laisser ébranler par cette nouvelle qui te fragilise. Tu sais
combien tu m’es chère.
Et si tu
acceptes que je te soutienne, tu ne pourras qu’être forte » Un autre cela :
« Il n’est
aucun drame pour qui choisit de regarder la vie, ses contrariétés, ses
surprises. Le drame serait de croire qu’on est à l’abri des vicissitudes de la
vie… »
Les pages de
ce livre, à substrat autobiographique, se succèdent avec leurs lots
d’inquiétudes, de déchirements ; on vit en même temps que l’auteur les cures de
chimiothérapie, avec parfois les passages à vide des effets secondaires, qui « diffèrent
d’un patient à un autre ». On assiste à de nombreuses séances de radiothérapie,
où l’auteur raconte, se raconte, sans faux-fuyants dans les moindres détails.
La détresse est bel et bien présente par endroits. Et lorsque l’émotion est à
son comble, on assiste, malgré nous, à des éclats de sanglots mais jamais à un
renoncement. Car les mots qu’elle sait utiliser, ont des effets dopants qui
redonnent l’énergie de se battre pour triompher de « l’Intrus ».
« Je le hais
de toutes mes forces. Il a bouleversé ma vie. Á tout jamais. Il veut prendre ma
vie… Je suis incapable de retenir plus longtemps ce flot de larmes qui monte en
moi… Je n’ose tourner mon regard vers ma fille. Je sais, au plus profond de mon
être, qu’elle souffre tout autant que moi. Je sais qu’elle retient ses larmes,
pour m’encourager à retrouver mon calme. »
Cet ouvrage
bouleversant, le combat d’une femme contre « l’Intrus », les dures épreuves
traversées pour arriver à la vaincre, nous permet de découvrir ou de
redécouvrir le cancer du sein, dans ses manifestations. Il nous permet,
également, de prendre conscience du fait qu’on peut « l’apprivoiser » et même
le dompter, lorsque le diagnostic est pris à temps.
L’auteur
sait si bien nous y conduire, dans ce labyrinthe où rode la mort, à coups de
mots brefs, qui savent aller à l’essentiel.
Dans un
style simple et dépouillé, rythmé et accessible à tous, Geneviève Wannée
dévoile son combat, le combat de sa vie, le combat pour la vie, le prix à payer
pour survivre. Cet ouvrage est vraisemblablement un exutoire pour l’auteur,
mais surtout un message d’espoir à d’autres femmes qui luttent au quotidien pour
venir à bout du cancer. Il permet également aux parents, aux proches et aux
véritables amies, de prendre conscience de leurs rôles majeurs dans cette
lutte, ô combien difficile pour la survie.
Plusieurs
séquences rythment ce parcours de titan, jusqu’à l’éradication du mal de notre
héroïne : au total, vingt-huit : Une tâche sur le cliché. Les nouvelles ne sont
pas bonnes, Mme T. Je dois rentrer seule. Comment annoncer la mauvaise nouvelle
? Prête à lutter et à vaincre l’intrus. Il n’y aura pas d’ablation du sein.
Seule avec elle-même. Avant l’intervention chirurgicale. Aller de l’avant avec
courage. C’est le grand moment. Première nuit avec cet objet étranger. Prix à
payer pour survivre. Première séance de chimio. Pourquoi pleures-tu
? Je ne vais
pas mourir. La lutte avait commencé. Tout va bien madame. Prochain contrôle
dans un an ! Entre nausées, vomissements, diarrhée, constipation, vertiges, perte
de poids, de cheveux et de féminité, la lutte a été sans merci ; mais l’auteur
n’a jamais renoncé à croiser le fer avec « l’intrus », le regard haut et fier.
« Vivre
avec… comme si de rien était », est un ouvrage captivant qui se lit en une
seule traite. Je vous le recommande vivement !
Isabelle Kassi
Fofana (directrice générale de Massaya Editions)