Mot d'Esprit
Ton temps est limité, ne le gaspille pas à vivre la vie de quelqu’un d’autre. - Steve Jobs
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Job Story

Madéka Timmerman, une femme de défis

Je ne le cache pas, je viens d’un milieu (très) modeste. Difficile donc de parler de soi, surtout dans la rubrique « Success Story », sans avoir l’air prétentieux et imbu de soi-même. Je vais tenter de le faire, en évitant ces écueils.

Ce que j’ai fait beaucoup de jeunes gens, de notre beau pays, peuvent le faire. Le succès est à portée de main. Rien n’est jamais perdu d’avance, mais rien n’est jamais acquis non plus.

VENDEUSE D’ORANGES

Mes parents avaient du mal à joindre les deux bouts et je n’ai pas été longtemps scolarisée. Pour les aider, je vendais de petites choses à différentes heures de la journée : des beignets pour les gens partant au travail ; des oranges ; de l’eau glacée au marché.

Avec la vente de trois oranges, j’en rachetais quatre le lendemain, puis cinq, etc. Beaucoup plus tard, un patron français à qui je narrais ces débuts difficiles, me dit : en gros, tu es comme moi, j’ai fait HEC, mais toi tu l’as fait dans la rue.

J’aimais la vente, le contact avec la clientèle, le défi de chaque jour nouveau. Cela a dû éveiller en moi un sens du commerce. Aujourd’hui encore, en faisant une facture, je ne peux parfois m’empêcher de repenser à ces oranges.

MON IDÉAL, ET LA MUSIQUE

Je suis originaire du centre de la Côte d’Ivoire. J’aimais la proximité des petites gens. Les commerçantes et les paysans qui venaient vendre leur récolte, au marché. Pourtant, j’avais l’idéal de le quitter, de m’élever socialement et d’accéder à un autre monde. Un milieu que je ne connaissais qu’à travers la télévision. À l’époque, nous n’avions pas la télé, chez nous.

C’était un produit de luxe. J’assistais parfois aux diffusions publiques (dans la cour), chez certains voisins – désireux d’afficher leur ascension sociale. J’étais loin de me douter de passer, un jour, de l’autre côté de l’écran.

Ma première grande passion, c’est la musique. Je me précipitais à tous les concerts (gratuits). De retour à la maison, je mimais l’intonation des grandes dames de l’époque : Myriam Makéba, Aïcha Koné, Reine Pélagie. Je voulais être, moi aussi, sur scène !

LA RTI ET MA CARRIÈRE

Un jour, je décidai de pousser la porte de la RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne, NDLR). À l’époque, il y avait le télé-crochet « Première Chance », l’émission de feu Roger Fulgence Kassy (RFK). Je décidai donc de tenter ma chance, mais timide, je fus recalée à chaque essai. L’orchestre, dirigé par Assalé Best m’accorda une audition.

« Tu as un potentiel. Va t’entraîner et reviens me voir », me dit le chef d’orchestre. Encore une leçon de vie qui m’accompagne jusqu’à ce jour : le talent sans travail ne vaut rien. Je me suis mise alors au travail, et quelques mois après, au départ de Chantal TAÏBA, je fus embauchée comme choriste. L’orchestre de la RTI m’offrit tout ce dont la petite fille, pauvre que j’étais, avait toujours rêvé : la musique, les voyages et le public.

Sitôt qu’on gravit une marche, l’on vise la suivante. J’étais choriste, je voulais désormais devenir chanteuse. J’y parvins tout d’abord comme chanteuse principale à l’Hôtel Ivoire. Avec des titres à succès, comme « N’si Mi Ablé ».

DE LA MUSIQUE À L’IMAGE

À chaque âge, ses plaisirs. Ayant atteint une certaine maturité, (un euphémisme tout féminin pour parler de l’âge), je me suis sentie attirée vers une autre forme d’expression : l’audiovisuel. Et plus précisément, la télévision.

Il y a plus de 20 ans, à Paris, je montais CINEKITA. Une société spécialisée dans le doublage de programmes télévisés : séries, documentaires, films. En 2012, l’idée d’ouvrir un bureau à Abidjan me sembla évidente. C’était l’occasion pour moi d’offrir à mes (jeunes) compatriotes l’opportunité d’appréhender les métiers de l’audiovisuel et plus précisément du doublage. Il me semble logique de rendre à la patrie, qui m’a donné le jour, le savoir-faire que m’a accordé la France.