Il avait presque ‘’hypothéqué’’ son avenir, mais sa combativité et sa force de caractère ont confirmé que « tous les chemins mènent à Rome ». Jean-Philippe Kaboré, la marche du petit entrepreneur devenu P-dg.
« Après avoir obtenu mon Bac
B au lycée technique en 1978, j’ai étudié l’économie à la faculté des sciences
économiques d’Abidjan jusqu’au DEUG. Ensuite j’ai eu un enfant. Sa venue a
bouleversé un peu mon parcours. À l’époque ce n’était pas aussi évident d’avoir
un enfant tout en étant toujours
étudiant. Dans l’optique de m’en occuper, j’ai laissé tomber les études pour
pouvoir commencer à travailler ». Une décision qui en a fait un entrepreneur
précoce. Un restaurant de fortune pour les ouvriers de la construction de la
cathédrale au Plateau qui fermera à l’achèvement des travaux de cette
architecture. Mais le jeune père n’abandonnera pas pour autant.
Il se lancera dans une entreprise de multiservice. « Tous les matins, on a
des problèmes de plomberie, d’électricité, des petits travaux de maison. Je
m’étais inspiré du parcours d’amis à moi qui avaient déjà une entreprise dans
ce domaine. Et l’idée c’était de pouvoir dépanner les usagers. Il y en a qui ne
savent pas trop comment faire, et ils avaient besoin d’avoir en face d’eux
quelqu’un qui comprenait le langage, qui pouvait le traduire aux ouvriers tout
en proposant un bon rapport qualité prix », explique-t-il.
À la rencontre de sa bonne samaritaine
Destin. C’est peut-être le titre de ce chapitre de la vie de
Jean-Philippe Kaboré. En prospection pour la vente d’une cuisine à une agence
de publicité qui en avait émis le besoin, il séduit la responsable de cette
entreprise. Son verbe et sa prestance tapent dans l’œil de l’européenne… malgré
lui. « J’ai mieux à vous proposer. Vous n’êtes pas fait pour le bâtiment
mais plutôt pour la publicité », lui dit-elle. Elle lui propose de le présenter
à son époux avec qui elle dirige l’agence de publicité. « Je vous fais
rencontrer mon mari et je pense que vous êtes quelqu’un qui peut vraiment nous
intéresser », ajoute-t-elle. Il se rend à ce rendez-vous uniquement par
curiosité. La rencontre prévue pour quinze minutes, ne s’achèvera qu’après
trois heures de discussion avec au terme, un changement de statut. De petit
patron il passait à employé, avec le poste d’assistant chef de publicité,
c’est-à-dire, au bas de l’échelle.
Premiers pas en communication
« La journée je travaillais et le soir j’avalais toutes les
théories de la publicité, du marketing et du commercial. J’étais vraiment
devenu passionné. Très rapidement, j’ai donc gravi les échelons.
D’assistant-chef de pub, je suis passé chef de pub, après directeur de
clientèle ensuite directeur commercial et après du fait du tempérament et des
orientations managériales de mes patrons, je pensais qu’on pouvait faire mieux,
plus adapté à nos besoins et aux réalités de la Côte d’Ivoire. Je sors de là en
tant que directeur commercial et je crée un studio de création publicitaire,
Kita », se souvient-il. La jeune entreprise se fera racheter par le groupe
SICC. « On ne pouvait pas juste avec les revenus que nous avons gagnés le matin
se développer et gagner des appels
d’offres ; c’était trop juste. Il fallait qu’on recrute des figures pour
pouvoir participer et être beaucoup plus performant », justifie-t-il. Lorsque
le groupe vole en éclats, il ne se décourage pas. Bien au contraire. Il crée
une régie publicitaire pour se maintenir à flots. Hélas ! Les espérances ne
sont pas au rendez-vous. Kaboré change
alors de stratégie et choisit d’être un salarié. « J’ai décidé d’aller
travailler pour une agence concurrente, Océan Ogilvy notamment, où j’étais le
directeur commercial ; où j’ai beaucoup appris ». Seulement, « la vie
n’est pas une rivière calme et même quand l’on propose, la décision reste
divine, nous dit la sagesse africaine. «
En 1999, il y avait une grosse activité politique en Côte d’Ivoire et ma mère
était dans la politique, donc moi j’avais envie de lui apporter un coup de main
puisque moi-même, j’étais passionné de marketing politique. À peine commencé,
il y a eu les incidents du 04 décembre. Je suis donc arrêté, battu, donné
presque pour mort et emprisonné pour 6 mois à la Maca. Pendant ce temps, mon
épouse, les enfants partent de façon précipitée en Europe où il fallait se
réorganiser là-bas. On me libère après les dernières élections. Entre-temps on
perd tout et nous sommes obligés de brader les choses pour subvenir aux besoins
primaires. Heureusement que mon épouse a été d’un grand support pendant cette
période. Nous avions un objectif, il ne fallait pas qu’on nous tue deux fois ».
Nous avons donc tout fait pour offrir à nos enfants, bien qu’étant en exil, un
cadre de vie agréable proche de ce qu’ils connaissaient en Côte d’Ivoire
Sans commentaires. Sorti de cette douloureuse parenthèse,
Jean-Philippe Kaboré part pour des soins médicaux en France et reprendre sa vie
avec sa famille. Il obtient un boulot comme consultant pour VEOLIA au Gabon et
au Niger. Il montera quelques temps après, un réseau d’agences pour l’une des
plus grosses agences européennes. « Ça marche, mais ce n’est pas terrible »,
dit-il.
Allô la télé
Une nouvelle opportunité s’offre à lui. Il lui est proposé de
prendre la direction de la chaîne de télévision 3A Télésud à Paris. « Je ne
connais rien à la télévision, mais la publicité étant la principale ressource
des chaînes privées, on réussit à repositionner la chaîne et à changer sa
dénomination pour Télésud. Dans la même période, les activités reprennent en
Côte d’Ivoire, le patron de Télésud retrouve son pays pour la mise en place
d’un studio de production : KAMELEO. « Au fil du temps le studio s’avère
performant et créatif donc pendant plus de 10 ans nous avons livré à RTI 2 3
quotidiennes : Buzz 2 Sports – Urban Clips – Cordon Bleu, et conçu sa
charte graphique qu’ils ont utilisée près de 10 ans », dit l’ancien petit
entrepreneur.
Il dirigera plus tard, le comité national de migration vers la
TNT, organise la mise en place de la TNT en Côte d’Ivoire, un autre challenge
captivant qui ne l’empêche pas de travailler à la création d’une chaîne de
télévision.
« Au début je ne voulais pas, mais avec mon parcours, j’ai eu
envie de m’impliquer dans la mise en place d’un nouveau paysage audiovisuel
ivoirien. Alors je me suis dit au lieu de toujours dire voilà ce qu’on devrait
faire, là tu as l’opportunité de proposer quelque chose. C’est comme ça que
l’idée de 7 infos est née, une chaîne qui se positionne sur l’info, l’économie
et le développement ». Fin de parcours ? Pas pour ce combattant pour la vie qui
poursuit son chemin.
ENCADRÉ
Selon vous qu’est-ce qui manque à nos États, plus spécifiquement
à nos États africains ?
La bonne gouvernance.
Êtes-vous pour le retour de la chicotte ?
La chicotte est un symbole qui doit revenir dans nos écoles, mais
c’est moins l’instrument, qu’une éducation à une certaine rectitude, droiture.
Sévérité alors oui !
Vos personnalités inspirantes
La personne qui m’a le plus inspiré c’est Henry Ford. Ensuite
Olusegun Obasanjo, le président Houphouët-Boigny, Mandela pour la qualité de
son combat, sa persévérance et la résiliation et dernièrement Barack Obama.
Votre message aux jeunes
N’ayez pas peur du travail, remettez le travail au centre de vos
valeurs.