D’après le Christ, il n’est pas nécessaire d’être instruit pour recevoir sa grâce, il suffit d’être comme un tout petit enfant : « A cette heure même, Jésus tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit : Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Luc 10, 21). Ainsi, pour recevoir la grâce du baptême et communier à l’Eucharistie, il faut avant tout, avoir un immense désir, comme les enfants.
Je te bénis, père, de l’avoir révélé aux tout-petits
« Si vous ne
retournez à l’état des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux »
(Mt 18, 3). Très tôt d’ailleurs, l’Eglise a commencé à donner le baptême aux
petits enfants qui ne sont pas encore parvenus à l’âge de raison.
Dans cette
perspective, nous pourrions être tentés de penser qu’il n’y a pas besoin d’un
enseignement et d’une catéchèse pour parvenir au baptême et recevoir
l’Eucharistie, mais que le désir d’aller au Christ suffit. En réalité, c’est là
une mauvaise interprétation de la parole du Christ. Lorsque Jésus affirme que
le Père a caché les mystères du Royaume aux sages et aux savants et qu’il les a
révélés aux tout-petits, il ne veut pas dire qu’il a laissé ces tout-petits
dans l’ignorance, mais au contraire qu’il leur a révélé les mystères du
Royaume, c’est-à-dire, qu’il leur a donné à connaître une lumière qui dépasse
tout.
Un
véritable enseignement
Et de fait,
le Christ a longuement enseigné les disciples qui ont accepté de redevenir
comme des enfants en se mettant à son école. Tout au long de sa vie, il leur a
appris à regarder les choses différemment, il leur a communiqué sa lumière sur
eux-mêmes, sur Dieu et sur le monde. Tel est le rôle de la catéchèse :
permettre d’accéder à l’enseignement même du Christ, à la richesse et la force
de sa lumière sur toutes choses. Dans son exhortation apostolique sur la
catéchèse en notre temps, le pape Jean-Paul II nous invitait à repenser toute
l’approche de la catéchèse à partir du Christ et de son enseignement : « Dans la
catéchèse, c’est le Christ, Verbe incarné et Fils de Dieu, qui est enseigné –
tout le reste l’est en référence à lui ; et seul le Christ enseigne, tout autre
le fait dans la mesure où il est son porte-parole, permettant au Christ
d’enseigner par sa bouche » (Catechesitradendae, n°6).
C’est là
l’enjeu et la tâche de la catéchèse. Jésus a fasciné les foules par son
enseignement : « Tout le peuple l’écoutait, suspendu à ses lèvres » (Lc 19,
48). Jean rapporte que lorsque les grands prêtres ont envoyé des gardes pour
emmener Jésus, ils n’ont pas pu l’arrêter tellement ils ont été saisis par sa
parole : « Jamais un homme n’a parlé comme cet homme » (Jn 7, 46). La catéchèse
doit tout faire pour transmettre cet enseignement du Christ, même si nous
pensons que nous ne sommes pas à la hauteur pour être son porte-parole.
Ne pas
avoir peur d’enseigner
Une des
premières choses marquantes est que le Christ n’a jamais diminué son
enseignement lorsqu’il s’adressait à des personnes moins instruites ou moins
éduquées.
Ainsi,
lorsque Jésus a rencontré la Samaritaine venue chercher de l’eau avec sa
cruche, il ne s’est pas dit en lui-même : Cette pauvre femme n’est pas capable
de comprendre, je vais me limiter à lui parler de sa cruche et l’aider à
démêler ses problèmes de maris.
Jésus n’a
pas eu cette attitude condescendante, il a considéré au contraire que la
Samaritaine était capable d’entendre parler des plus grands mystères de la
grâce et de la vie éternelle : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui
qui te dit : Donne-moi à boire, c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait
donné de l’eau vive. (…) qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus
jamais soif ; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau
jaillissant en vie éternelle » (Jn 4, 10-14).
Cette
attitude est importante à redécouvrir dans la catéchèse. Bien sûr, Jésus
s’adapte au langage de cette femme – il commence par lui demander à boire (cf.
Jn 4, 7) –, mais il sait que cette femme est habitée par les questions les plus
profondes sur la vie et sur Dieu, comme le sont aussi les enfants. Le
catéchiste ne doit jamais penser que ses auditeurs ne sont pas à la hauteur ou
qu’ils ne sont pas capables de comprendre ; il doit plutôt se demander comment
faire surgir leur question les plus profondes sur Dieu. Ce qui réclame parfois beaucoup
d’astuce, comme Jésus avec cette femme assise au bord du puits.
Il ne faut
pas avoir peur de donner un véritable enseignement à ceux qui sont catéchisés,
sinon la catéchèse risque de manquer de force et finit par produire des
chrétiens infantiles. Une personne qui est capable de suivre une formation
ardue et difficile dans sa vie professionnelle ne doit pas mettre moins de zèle
dans son apprentissage de la vie chrétienne et sa connaissance de la parole de
Dieu. L’enseignement implique un apprentissage et un véritable labeur. Il
serait illusoire de penser que la catéchèse pourrait se transmettre uniquement
de façon ludique en évitant l’effort et l’exigence d’un véritable travail.
Jean-Paul II à la suite de Paul VI souligne que la catéchèse réclame un
enseignement structuré qui va plus loin qu’une première annonce de l’Evangile.
Cet
enseignement ne doit pas être improvisé, il doit être complet et impliquer «
une initiation chrétienne intégrale, ouverte à toutes les composantes de la vie
chrétienne » (Catechesitradendae, n°21).
Une
nourriture pour la foi
C’est dans
la mesure où elle implique un enseignement que la catéchèse procure une
véritable nourriture et une force nouvelle à la foi des catéchumènes. Nous
voyons un exemple étonnant de cette force dans l’Evangile de la guérison de
l’aveugle né.
Cet Evangile
est justement lu au catéchumène lors du « second scrutin », qui est une étape
importante durant laquelle le Christ « scrute » son cœur. De fait, en venant de
recouvrer la vue, c’est-à- dire une nouvelle lumière sur les choses qui
l’entoure, l’aveugle né trouve la force de défier les pharisiens et de
témoigner de cette lumière que le Christ lui a donnée. Les pharisiens se
trouvent humiliés d’être enseignés par cet homme qu’ils méprisent : « De naissance
tu n’es que péché et tu nous fais la leçon ! Et ils le jetèrent dehors » (Jn 9,
34).
Cet épisode
est significatif, enseigner quelqu’un, c’est lui rendre sa dignité et lui
montrer qu’il est intelligent et capable de répondre. Ne pas enseigner une
personne, c’est la rabaisser en lui faisant comprendre qu’elle est incapable.
Du point de vue de la foi, l’enseignement est une nourriture qui permet au
croyant d’avoir une véritable force. La catéchèse est non seulement un devoir,
mais elle est un droit des catéchumènes. « Tout baptisé, du fait même de son
baptême, possède le droit de recevoir de l’Eglise un enseignement et une formation
qui lui permettent d’accéder à une véritable vie chrétienne »
(Catechesitradendae, n°14).
Les
pharisiens enseignaient, mais tout en maintenant le peuple dans une certaine
obscurité afin de mieux les dominer et garder sur eux un pouvoir. Par contre le
Christ a enseigné et a communiqué sa lumière sans rien garder pour lui. Par-là,
il a voulu nous montrer qu’il n’était pas seulement notre supérieur, mais qu’il
faisait de nous ses égaux, avec la même dignité et la même force : « Je ne vous
appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ;
mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je
vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15).
Une
lumière de vie, force pour la foi
Parce
qu’elle est la transmission de l’enseignement du Christ, la catéchèse est
indissociable de l’ensemble de la vie chrétienne.
Le Christ
n’a pas seulement enseigné par ses paroles, mais par ses actes et par le don de
sa vie. Dans cette perspective, la catéchèse ne se réduit pas à des
enseignements abstraits, mais elle réclame des témoins vivants pour que le
catéchumène puisse voir et expérimenter la force des paroles du Christ.
De fait, après avoir entendu l’Evangile de la Samaritaine puis celui de l’aveugle né, le catéchumène est invité à entendre – lors du troisième scrutin – l’Evangile de la résurrection de Lazare. La parole du Christ est une lumière de vie capable de ressusciter les morts. C’est pourquoi, si le catéchumène se laisse imprégner par la parole du Christ, il est possédé par une force qui lui permet de traverser la mort : « Jésus s’écria d’une voix forte : Lazare, viens dehors ! Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : Déliezle et laissez-le aller » (Jn 11, 43-44).