Lilya revoit, revit et ressent des scènes de vie d’une autre femme, d’une autre époque. Bien plus que des cauchemars, ces rêves semblent si réels au vu des marques sur son corps. Dans ses songes, un nom revient fréquemment : Maya.
Lilya décide alors d’aller à la rencontre de Maya, en menant enquête. N’est-elle pas journaliste ?
Dans sa collecte d’informations, elle découvre qu’il a
bel et bien existé une Maya dans sa famille, en la personne de sa grand’mère,
décédée depuis longtemps. Elle ne l’a pas connue ; Marvan, son frère, si. Il
lui serait certainement d’une grande utilité. Par le prisme des souvenirs de
son rêve, bout après bout, elle reconstruit l’histoire de Maya…
Issue d’une famille ordinaire du Maroc, très attachée
aux traditions, Maya a dû renoncer à ses rêves par respect de l’autorité
parentale, prête à répudier en cas de désobéissance. Elle, si portée par les
belles lettres, les choses de l’esprit, renoncera à ses études pour se jeter dans
les bras de Hicham. Ce sera l’enfer conjugal auprès d’un homme violent, inculte
et méchant …
Dans l’éducation reçue, « Toute femme n’aspire qu’à avoir
son foyer ; le reste n’est qu’accessoire ». Elle devait à son mari obéissance,
soumission totale. C’est ainsi, parce que c’était ainsi. Pour Hicham, elle
était sa soumise et il était prêt à lui faire comprendre ce principe issu du fond
des âges, édicté par les traditions. Mais « Maya n’était pas sûre de partager
cet avis si tranché… » (P. 6)
Pendant leur nuit de noces, alors même que Maya
n’avait connu aucune expérience sexuelle, elle s’était préservée pour son
homme, par éducation, Hicham la plongea dans l‘univers de la violence : « Le
beau Hicham me caressa la joue doucement, m’ôta ma coiffe et ma tenue puis
m’assena une gifle… Sous le choc, je le suppliais d’arrêter.
Je lui ai dit que j’avais mal et lui ai demandé s’il
pouvait être un peu plus tendre. Il m’a rétorqué tu es ma femme, je fais de toi
ce que je veux ». Pour une nuit de noces, où elle jeta aux orties sa virginité,
ce fut une nuit de viol…
L’histoire de Maya ressemble, à bien des égards, à l’histoire
de beaucoup d’autres femmes, des femmes battues à longueur de nuits et de
journées, sous le regard complice des parents, ami(e)s et connaissances ; qui
feignent de ne rien percevoir. Jusqu’à ce que l’irréparable se produise …
L’intrigue est bien construite et l’alternance entre les
époques, entre les personnages, chapitre après chapitre, permet de tenir le
lecteur en haleine. On passe également de la narration à la première personne à
celle à la troisième personne, ce qui crée un rythme avec la voix donnée à des
personnages différents.
Une œuvre bouleversante, si proche de notre quotidienneté,
que je vous invite à lire.
Isabelle Kassi Fofana (directrice générale de
Massaya Editions)
Pourvu qu’il soit de bonne humeur,
Loubna Serraj, Editions la Croisée des Chemins,
166 pages.