Comédienne, actrice de télévision et de cinéma, chanteuse, Jeanne Tessia vient d’étendre son univers artistique en ajoutant une nouvelle corde à son arc, en ouvrant une nouvelle page de sa vie, avec la sortie de son œuvre, Le démon de midi, parue à Frat-Mat Editions.
Dans ce remarquable roman, l’auteure retrace l’histoire d’un couple à qui tout réussi, en apparence. Gravié et Ini ont quatre merveilleux enfants et vingt et un ans de mariage. C’est d’ailleurs avec strass et paillettes que nous pénétrons dans ce roman. Le couple Gravié et surtout l’épouse Ini ont décidé de donner une somptueuse fête pour marquer leurs noces de porcelaine. Ce ne sont guère les moyens qui manquent au couple, puisque Gravié nous fait penser à Crésus.
Mais, derrière ce beau décor, se cachent d’énormes secrets. Le mur de la somptueuse demeure qu’habite le couple est lézardé, fissuré. L’infidélité s’emble s’y être installée durablement : Gravié et son épouse ont chacun un amant pour égrener le temps et pimenter leur vie. De surcroît, Gravié, l’époux, est épris d’une jeune et belle dame, Formane, qui lui a donné un charmant garçon du nom de Kiki. Ils s’accommodent tous deux de cette situation qui semble arranger tout le monde.
Le secret
est bien gardé et personne ne peut s’imaginer l’infidélité de l’autre. Mais
voilà que Gravié, qui est pourtant déclaré cardiaque depuis un certain temps,
se laisse conduire à quelques excès dans les bras de sa maîtresse.
« Formane
affectionnait les déguisements sensuels. Gravié se rappelait qu’une fois, à
l’heure de se mettre au lit, sa jeune maîtresse s’était isolée dans la douche.
Elle en était ressortie quelques minutes plus tard uniquement vêtue de Kodjo (cache-sexe,
ancêtre du string de nos grands-mères) et la peau rendue luisante… » P. 67.
Ce qui devait
arriver arriva ce jour-là : il meurt sans sommation d’une crise cardiaque dans
des circonstances des plus gênantes. L’histoire prend, dès lors, une toute
autre trajectoire : les parents de Gravié s’y mêlent ; la tradition s’invite
dans la maison du richissime homme d’affaires ; la veuve Ini subit tout le
poids de la tradition. Elle est répudiée de la chambre conjugale avec le droit
d’emporter uniquement ses effets personnels. Avec ses sœurs venues l’assister
durant la période des funérailles, elle se réfugie dans une autre chambre de la
maison. Elle se prête au jeu de la tradition qui veut que durant la période des
obsèques de leur fils, la veuve soit malmenée par sa belle-famille qui lui
inflige toute sorte d’excès et d’épreuves. Au cours de certaines veillées
traditionnelles, elle est obligée de manifester sa peine en dansant longuement
et vigoureusement.
«
Maintenant, tu dois pleurer et te rouler par terre pour manifester ta douleur,
comme l’exige la tradition ». Mais, de toutes les épreuves, reste la plus
redoutée : l’épreuve de vérité. Il s’agit d’une réunion entre femmes, où la
veuve, accompagnée de quelques membres de sa famille, est au fauteuil blanc.
Elle doit, au cours de cette cérémonie, absolument faire des révélations à
l’assistance, avouer si tel est le cas, qu’elle a été infidèle au défunt. Ini,
malgré elle, accepte de s’y soumettre, jusqu’au rituel de la purification, qui va
marquer la séparation définitive.
Elle pensait
en avoir fini avec les épreuves, jusqu’au jour où, convoquée par le notaire de
son mari, en présence de tous les ayants droits, y compris sa belle-famille,
celui-ci lui remet, séance tenante, un courrier de son défunt époux. Que
signifiait tout ce stratagème ? Gravié était-il informé que depuis toutes ces
années elle avait un amant ? Quel pourrait être le contenu de ce dernier
courrier, vu comme un testament ?
Ce premier
roman de 176 pages de Jeanne Tessia surprend par sa trame captivante, pleine de
rebondissements, à travers un style agréable à lire qui sait convoquer les
dialogues et les monologues, en puisant dans le riche patrimoine culturel ivoirien
des ingrédients succulents, offrant au lecteur la beauté des mets et des
parures de plusieurs régions de la Côte d’Ivoire.
Ouvrage bien
accueilli par les lecteurs d’ici et d’ailleurs.
Isabelle Kassi
Fofana (directrice générale de Massaya Editions)