Premier roman à substrat autobiographique écrit en 1956, Bernard Dadié inaugure un véritable roman d’apprentissage.
Construit autour du cheminement de Climbié, personnage principal qui signifie en N’zima (ethnie du grand groupe des Akans) : plus tard, l’histoire nous replonge dans la période coloniale, et se divise en deux parties : son parcours de jeune garçon en Côte d’Ivoire jusqu’à son admission à William Ponty ; puis sa vie à Dakar, jusqu’à son retour en Côte d’Ivoire.
Le lecteur
est emporté dans la trajectoire de Climbié depuis son village natal, jusqu’à
grand Bassam, première capitale de la Côte d’Ivoire ; puis Bingerville, seconde
capitale du pays ; Gorée, capital de l’AOF, ou se trouve l’Ecole normale supérieure
William Ponty et enfin son retour sur Abidjan.
Ce roman de
toute une génération est une invite au travail : le travail, et après le
travail, l’indépendance. N’être à la charge de personne, telle doit être la
devise de notre génération.
Récit écrit
à l’orée des années 1950, période très cruciale, qui précède un basculement
historique de la vie des Africains alors sous colonie française, Dadié y campe
les réalités du moment.
Ils vont
leur « pied-la-route ». Où vont-ils toujours en marche ? Loin très loin. Un
voyage d’une semaine n’est pour eux qu’une affaire très ordinaire. Ils marchent
comme nous respirons […] toute l’Afrique marche au lever du jour […] sans un
sou, le boubou sur le dos, la calebasse vide sur la tête, gais…
Climbié
arpente d’abord le chemin de l’école, à pied, dans son village ; puis, peu à
peu, en fonction de sa destinée, il prendra d’autres moyens de transport : la
pirogue, la voiture, le train, le bateau.
Par une nuit
de clair de lune, au premier chant du coq, Climbié quitte à nouveau les
papillons et les libellules et tous les arbres fruitiers pour Grand –Bassam… en
file indienne ils s’en vont vers le débarcadère…
À leurs
pieds, des coquillages, des crabes, hésitant pour la direction à suivre et le
bruit du baiser de l’eau à sa vieille amie la terre…
La structure
de la colonie impose à Climbié ses déplacements, jusqu’à William Ponty à Dakar.
Chaque étape
de son cursus scolaire, l’amène à un nouveau départ, un nouvel exil. Son
parcours initiatique est marqué par une âpre sélection.
Par la
suite, ses séjours dans les deux principales villes sénégalaises, Dakar et
Saint Louis, sont liés à son travail de commis auxiliaire de l’administration
coloniale. Tout son parcours sera motivé par l’envie d’apprendre, de se cultiver.
Il vouait à
son père une grande admiration mêlée d’un profond respect. Il fera dire à son père
dans Climbié : Tu comprendras plus tard, mon enfant. Pour le moment, tu n’as
qu’un seul devoir : étudier. Tes études t’apprendront à secourir tout homme qui
souffre, parce qu’il est ton frère.
Ne regarde
jamais sa couleur, elle ne compte pas. Mais en revanche, ne te laisse jamais piétiner
tes droits de l’homme.
Plusieurs
thèmes, en effet, sont abordés dans cet ouvrage : le rôle de l’école et de l’instruction,
la lutte pour la valorisation et la conservation des valeurs traditionnelles,
la vie au village, l’héritage culturel, l’image du colon, la lutte contre le
colonialisme et les injustices, la lutte pour l’indépendance et la démocratie,
etc.
Cet ouvrage
que l’on peut considérer comme un récit de voyage, nous présente également un
personnage principal rebelle. Revenu en Côte d’Ivoire après douze années
d’absence, la tête pleine d’idées d’égalité, Climbié va déranger la
tranquillité du colon. Il sera jeté en prison pour ses prises de position et
ses rêves d’égalité entre les hommes.
Bernard
Binlin Dadié, le père de la littérature ivoirienne marquera à jamais l’histoire
de la *Climbié, premier roman de Bernard Dadié écrit en 1956 littérature
africaine. Très tôt, il a su être le porte-parole de l’âme de son peuple. C’est
à juste titre qu’il fut lauréat, à deux reprises, du grand Prix Littéraire d’Afrique
Noire pour Patron de New York et La ville où nul ne meurt.
Cet auteur
dont l’œuvre est hautement prolifique, car elle embrasse avec maestria tous les
genres littéraires : poésie, roman, théâtre, chroniques, contes traditionnels, mériterait
le prix Nobel de la Littérature.
Isabelle Kassi
Fofana (directrice générale de Massaya Editions)