L’Afrique ne veut plus simplement attirer les capitaux. Elle veut désormais imposer les siens. Telle est la promesse implicite du thème choisi cette année par la Banque africaine de développement (BAD) pour ses Assemblées annuelles prévues du 26 au 30 mai 2025 : « Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement ». Derrière cette formule, une volonté claire : replacer le continent au cœur de sa trajectoire économique.
S’affranchir de la dépendance : vers une souveraineté économique assumée
Réunis à
Abidjan, chefs d’État, décideurs économiques, partenaires internationaux et
experts examinent une stratégie résolument tournée vers l’intérieur. Le capital
africain, qu’il soit humain, naturel, financier ou commercial, n’est plus
considéré comme un simple point de départ, mais plutôt comme le moteur central
de la transformation structurelle à venir.
À travers ce
thème, la BAD a pour ambition de passer d’une logique d’assistance à une
logique de puissance. L’idée n’est pas de rejeter les capitaux extérieurs. La
Banque africaine de développement entend les subordonner à une stratégie
africaine cohérente, qui valorise d’abord les ressources endogènes.
Le capital
humain, par exemple, devient un axe prioritaire. Le continent africain dispose
de la population la plus jeune du monde, pourtant celle-ci reste sous-formée,
sous-employée, et trop souvent sous-valorisée. La BAD veut faire du numérique
et de l’innovation les catalyseurs d’une montée en compétence massive. L’Afrique
doit former des talents pour ses propres besoins, non pour les marchés
étrangers.
Même logique
pour le capital naturel. Riches en minerais, en biodiversité et en terres
arables, de nombreux pays africains restent à la merci de chaînes de valeur
extractives. La transformation locale des ressources, appuyée par des
politiques industrielles ciblées, est désormais sur toutes les lèvres.
Gouvernance
et institutions : le socle d’un développement durable
Valoriser le
capital n’a de sens que si les institutions suivent. Le thème des 60e
assemblées de la BAD intègre donc la dimension souvent négligée de la
gouvernance : transparence, redevabilité et robustesse des États deviennent les
piliers d’une croissance inclusive. À ce titre, la BAD insiste sur l’importance
d’institutions capables d’absorber les financements, de piloter les réformes et
d’inspirer la confiance.
Les
discussions s’inscrivent également dans un contexte d’urgence climatique. La
transition verte n’est plus un luxe, mais une nécessité. Le capital financier
devra donc être intelligemment orienté vers des projets durables, compatibles
avec l’Accord de Paris et les ambitions climatiques de l’Agenda 2063.
Les
High-5 comme boussole stratégique
Ce
recentrage sur le capital africain ne se fait pas sans boussole. La stratégie
décennale 2024-2033 de la BAD s’appuie sur ses désormais célèbres High-5 : éclairer
l’Afrique, nourrir l’Afrique, industrialiser l’Afrique, intégrer l’Afrique, et améliorer
la qualité de vie des Africains. Ces cinq axes servent de cadre à une
mobilisation stratégique des ressources.
À Abidjan, le ton est donné : l’Afrique veut reprendre la main sur sa destinée économique. Il ne s’agit plus d’attendre des solutions extérieures, mais de construire un modèle fondé sur ses propres forces. Ce changement de paradigme, s’il est mis en œuvre de façon cohérente, pourrait faire de cette décennie un véritable tournant.