Après « Tchapalo Tango » en 2019 et « Bardot 18 » en 2022, Fidèle Goulyzia nous est revenu avec Malo-Woussou en 2024. Un roman de 488 pages qui questionne les angles morts des opérations onusiennes de maintien, sous le prisme des scandales de moeurs… Une oeuvre qui a surtout été auréolée du Grand Prix national Bernard Dadié de la littérature 2025 lors de la 15e édition du Salon international du livre d’Abidjan (SILA).
À travers Malo-Woussou, l’auteur nous conduit dans les dédales d’un récit polyphonique. Une fiction à trois voix qui détricote des filiations au sein de deux familles, et qui, par la même occasion, entremêle le destin de trois pays : le Tchad de la guerre fratricide entre Hissène Habré et Gougouni Weddeye ; la Libye avant la chute de Kadhafi et enfin la Côte d’Ivoire coupée en deux zones.
Nous sommes
en 1983. Dans le Tchad de Hissène Habré. L’opération militaire française Manta
est présente dans le pays pour contrer les velléités d’annexion du Guide
libyen. Le jeune Moussa Haggar est enrôlé de force par les militaires de Habré.
A ce moment, le jeune homme ne se doute pas qu’il laisse une adolescente
enceinte de lui. 40 ans plus tard, son fils Hussein a grandi sans le connaître.
Moussa
Haggar se retrouve en Côte d’Ivoire comme membre du contingent tchadien de l’Onuci…
Il met enceinte une mineure de la famille Kamaté. Le chef de mission du
contingent tchadien de l’Onuci, le policier engrosseur, le frère de la mineure
enceintée, et un commissaire de police ivoirien décident d’étouffer le scandale
de la grossesse pour sauver leurs carrières. 20 ans après, Barakissa, la fille
de Moussa Haggar s’interroge sur sa filiation inconnue.
Le policier
tchadien voit donc resurgir de son passé deux enfants dont il ignorait
l’existence.
Commence
alors une quête pour le pardon et le rachat. Moussa Haggar raconte la société ivoirienne.
Son regard dépeint sans filtre une société en pleines convulsions politiques.
Et dénonce la corruption endémique dans laquelle se complaît et s’enlise cette
société ivoirienne, au rythme des régimes politiques qui se succèdent.
Mais le
roman se présente aussi comme un plaidoyer pour faire entendre la voix des
victimes des scandales de moeurs des opérations des Nations unies et des
opérations extérieures de l’armée française dans le monde.
Malo-Woussou de Fidèle Goulyzia est une audace littéraire… Dans sa composition comme dans sa narration. Le texte pose en filigrane la question des grandes nations qui se forgent à partir de leur histoire pour ne plus répéter les mêmes erreurs. Un devoir mémoriel. Malo-Woussou, c’est aussi un prétexte subtil pour rendre hommage à la résilience des ménages les plus modestes qui consomment cette qualité de riz bon marché et valoriser, ainsi que les codes communs de l’imaginaire collectif ivoirien. Malo-Wousso, c’est également un jeu de mots pour désigner une personne sans scrupules, un malo.
Serge Grah (journaliste-écrivain)
Malo-Woussou, Fidèle Goulyzia
Les Nouvelles Editions du Sahel, 2024, 488 pages