Je ne le cache pas, je viens d’un milieu (très) modeste. Difficile donc de parler de soi, surtout dans la rubrique « Success Story », sans avoir l’air prétentieux et imbu de soi-même. Je vais tenter de le faire, en évitant ces écueils.
Ce que j’ai
fait beaucoup de jeunes gens, de notre beau pays, peuvent le faire. Le succès
est à portée de main. Rien n’est jamais perdu d’avance, mais rien n’est jamais
acquis non plus.
VENDEUSE
D’ORANGES
Mes parents
avaient du mal à joindre les deux bouts et je n’ai pas été longtemps
scolarisée. Pour les aider, je vendais de petites choses à différentes heures
de la journée : des beignets pour les gens partant au travail ; des oranges ;
de l’eau glacée au marché.
Avec la
vente de trois oranges, j’en rachetais quatre le lendemain, puis cinq, etc.
Beaucoup plus tard, un patron français à qui je narrais ces débuts difficiles,
me dit : en gros, tu es comme moi, j’ai fait HEC, mais toi tu l’as fait dans la
rue.
J’aimais la
vente, le contact avec la clientèle, le défi de chaque jour nouveau. Cela a dû
éveiller en moi un sens du commerce. Aujourd’hui encore, en faisant une
facture, je ne peux parfois m’empêcher de repenser à ces oranges.
MON IDÉAL, ET LA MUSIQUE
Je suis
originaire du centre de la Côte d’Ivoire. J’aimais la proximité des petites
gens. Les commerçantes et les paysans qui venaient vendre leur récolte, au
marché. Pourtant, j’avais l’idéal de le quitter, de m’élever socialement et
d’accéder à un autre monde. Un milieu que je ne connaissais qu’à travers la
télévision. À l’époque, nous n’avions pas la télé, chez nous.
C’était un
produit de luxe. J’assistais parfois aux diffusions publiques (dans la cour),
chez certains voisins – désireux d’afficher leur ascension sociale. J’étais
loin de me douter de passer, un jour, de l’autre côté de l’écran.
Ma première
grande passion, c’est la musique. Je me précipitais à tous les concerts
(gratuits). De retour à la maison, je mimais l’intonation des grandes dames de
l’époque : Myriam Makéba, Aïcha Koné, Reine Pélagie. Je voulais être, moi
aussi, sur scène !
LA RTI ET MA CARRIÈRE
Un jour, je
décidai de pousser la porte de la RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne, NDLR).
À l’époque, il y avait le télé-crochet « Première Chance », l’émission de feu Roger
Fulgence Kassy (RFK). Je décidai donc de tenter ma chance, mais timide, je fus
recalée à chaque essai. L’orchestre, dirigé par Assalé Best m’accorda une
audition.
« Tu as un
potentiel. Va t’entraîner et reviens me voir », me dit le chef d’orchestre.
Encore une leçon de vie qui m’accompagne jusqu’à ce jour : le talent sans
travail ne vaut rien. Je me suis mise alors au travail, et quelques mois après,
au départ de Chantal TAÏBA, je fus embauchée comme choriste. L’orchestre de la RTI
m’offrit tout ce dont la petite fille, pauvre que j’étais, avait toujours rêvé
: la musique, les voyages et le public.
Sitôt qu’on
gravit une marche, l’on vise la suivante. J’étais choriste, je voulais
désormais devenir chanteuse. J’y parvins tout d’abord comme chanteuse
principale à l’Hôtel Ivoire. Avec des titres à succès, comme « N’si Mi Ablé ».
DE LA MUSIQUE À L’IMAGE
À chaque
âge, ses plaisirs. Ayant atteint une certaine maturité, (un euphémisme tout
féminin pour parler de l’âge), je me suis sentie attirée vers une autre forme
d’expression : l’audiovisuel. Et plus précisément, la télévision.
Il y a plus
de 20 ans, à Paris, je montais CINEKITA. Une société spécialisée dans le
doublage de programmes télévisés : séries, documentaires, films. En 2012,
l’idée d’ouvrir un bureau à Abidjan me sembla évidente. C’était l’occasion pour
moi d’offrir à mes (jeunes) compatriotes l’opportunité d’appréhender les métiers
de l’audiovisuel et plus précisément du doublage. Il me semble logique de
rendre à la patrie, qui m’a donné le jour, le savoir-faire que m’a accordé la
France.