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Les bienfaits spirituels

Les bienfaits spirituels © Esprit Magazine

UNE REPENTANCE INDIGNE ? La repentance tient une place centrale dans la Révélation chrétienne. Une des paraboles les plus célèbres de l’Evangile met en scène un « fils prodigue », qui après avoir dilapidé l’argent de son père, rentre en lui-même et décide de prendre le chemin de la repentance et du retour (cf. Lc 15). Cependant, si nous lisons attentivement le texte de l’Evangile, il faut reconnaître que la repentance de l’enfant prodigue a presque un caractère indigne. Le fils prodigue n’a pas initié une démarche de pénitence avec une intention pure et droite, comme si regrettant sa faute, il avait voulu demander pardon à son père afin d’entrer à nouveau en communion avec lui. La réalité est moins glorieuse, le fils revient vers son père tout simplement parce qu’il a faim. « Quand il eut tout dépensé, une famine sévère survint en cette contrée et il commença à sentir la privation. Il alla se mettre au service d’un des habitants de cette contrée, qui l’envoya dans ses champs garder les cochons. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait » (Lc 15, 14-16). Le fils prodigue n’a pas d’abord cherché à revenir vers son père, mais il a voulu rester loin de lui en se faisant embaucher par un des habitants de la région.

Ce n’est que lorsque la faim a été trop extrême et qu’il n’avait plus le choix, que le fils prodigue a pensé revenir vers son père : « Rentrant alors en lui-même, il se dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à périr de faim ! » (Lc 15, 17). Le fils prodigue se prépare certes à reconnaître son péché, non pas cependant en vue de se réconcilier avec son père, mais uniquement pour qu’il puisse manger. Dans sa tête, la réconciliation avec son père est impossible, il ne sera plus jamais son fils, au mieux il sera toléré comme un serviteur : « Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes mercenaires » (Lc 15, 18-19).

 

La repentance de l’enfant prodigue est donc loin d’être un modèle de noblesse et de pureté. Cette repentance est purement intéressée, le fils revient parce qu’il a faim. A ce stade, le fils a peur de son père puisqu’il cherche à l’amadouer en prévoyant de s’humilier devant lui. Enfin, cette repentance est teintée de désespoir, le fils prodigue s’est résigné à la perte de sa dignité, il ne sera jamais plus qu’un serviteur. Il nous faut nous poser la question : pourquoi l’Evangile insiste-t-il autant sur le manque de noblesse et même sur la bassesse de la repentance du fils prodigue ?

 

 

Le moindre rai de lumière

 

L’Evangile veut nous faire comprendre un élément capital de la repentance chrétienne. Dieu n’attend pas que notre pénitence soit parfaite pour nous faire miséricorde, mais il se précipite vers nous dès qu’il y a la moindre ouverture de notre part, même si nous sommes encore loin, indécis et mal préparés : « Tandis qu’il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou et l’embrassa tendrement » (Lc 15, 20). Dieu ne nous donne pas sa miséricorde à proportion de notre préparation, mais à proportion du don qu’il veut nous faire. Le fils prodigue s’était préparé à n’être plus qu’un serviteur, mais le père voulait lui redonner sa dignité de fils. Lorsque nous faisons pénitence, Dieu nous donne sa grâce, au-delà de toute proportion avec notre préparation : « Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé » (Lc 15, 22-24).

Le pape François affirmait récemment que Dieu recherche le moindre rai de lumière afin de déverser sa miséricorde en nous. Le pape évoque l’histoire d’un pénitent qui après avoir confessé sa faute à un prêtre, avoue ne pas vraiment regretter ce qu’il avait fait. Le prêtre lui demande alors : « Mais toi, tu regrettes de ne pas le regretter ? » Et le jeune homme de rétorquer, spontanément : « Oui, je regrette de ne pas le regretter. En d’autres termes, je suis désolé de ne pas me repentir. C’est le rai de lumière qui permet l’absolution » (Pape François, Le Nom de Dieu est Miséricorde, p. 55).

 

Nos démarches de repentance sont souvent ainsi, elles sont fragiles et hésitantes, elles manquent de sincérité et de force. Pour le chrétien, la pénitence s’appuie plus sur la miséricorde et la fidélité de Dieu que sur sa bonne volonté qui est toujours un peu ambigüe. La véritable repentance du fils prodigue a eu lieu lorsqu’il s’est laissé embrasser par le Père malgré ses faiblesses et son indignité. Il en va de même pour nous. C’est à ce moment-là que notre repentance prend sa vraie dimension, lorsqu’elle nous fait nous appuyer sans limite sur la miséricorde de Dieu qui vient au-devant de nous, plus que sur nous-mêmes.

 

 

Une repentance initiée par Dieu lui-même

 

Avant la parabole de l’enfant prodigue, l’Evangile propose deux autres paraboles encore plus provoquantes afin d’exprimer combien dans la pénitence, Dieu nous cherche plus que nous ne le recherchons nous-mêmes. Jésus raconte en effet l’histoire de la brebis perdue, qui est incapable de prendre le chemin du retour puisqu’elle s’est perdue. C’est son propriétaire qui se met en route et qui la retrouve. La brebis s’est contentée de se laisser porter sur ses épaules. Pourtant Jésus ose affirmer que l’attitude de la brebis est un modèle de repentance : « C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentir » (Lc 15, 7). Là est la véritable repentance, se laisser trouver par la miséricorde de Dieu. Cette posture pourrait sembler trop facile, elle demande en réalité beaucoup d’humilité. Il est difficile de reconnaître que nous nous sommes perdus, que nous sommes incapables de revenir et que nous avons besoin d’être portés.

 

 

 

Jésus propose une autre parabole encore plus extrême, celle de la pièce perdue sous un meuble et qui est retrouvée par sa propriétaire. La pièce est immobilisée et inerte, elle n’est même pas capable de mouvement, et pourtant Jésus en parle encore comme d’un modèle de pénitence : « C’est ainsi, je vous le dis, qu’il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent » (Lc 15, 10). Le véritable initiateur de la pénitence est toujours Dieu lui-même qui nous recherche jusque sous un meuble et veut nous redonner toute notre valeur. Les deux paraboles de la brebis perdue et de la pièce perdue préparent la parabole de l’enfant prodigue en nous faisant comprendre que le chemin que prend le pénitent est toujours enveloppé et devancé par l’initiative de Dieu. Quand le fils prodigue a commencé à avoir faim, c’est déjà Dieu qui agissait en lui pour le faire revenir.

 

 

Les bienfaits de l’espérance et de la joie

 

Le premier bienfait spirituel de la repentance est de remettre l’homme dans une dynamique d’espérance. Même s’il n’en a pas conscience, celui qui commence un chemin de pénitence permet à l’espérance divine de venir reprendre possession de sa vie. Ainsi, lorsque le fils prodigue a eu faim, il a pris conscience que sa propre vie valait plus que toutes les bêtises qu’il avait faites, et il a commencé à se battre pour sa survie. C’est alors que son espérance s’est réveillée, et s’est mise à croître jusqu’à ce qu’il comprenne que son père avait conservé la même ambition sur lui. Il était toujours son fils, le Père avait gardé le même regard, tout pouvait repartir comme au premier jour. Celui qui commence un chemin de pénitence laisse en quelque sorte l’espérance du Père le travailler en profondeur et le fortifier de façon extrême.

 

Le bienfait dernier de la repentance est la joie : « Il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie. Il était perdu et il est retrouvé ! » (Lc 15, 32). La pénitence est toujours laborieuse puisqu’elle implique la prise de conscience de nos fautes, ce qui engendre en nous la tristesse. Mais cette tristesse est portée par une joie sans mesure, celle de savoir que l’amour du Père est totalement intact : « Si tu savais le don de Dieu… » (Jn 4, 10). Dans la pénitence chrétienne, la joie et la tristesse coexistent, mais c’est la joie qui domine et qui est plus forte que la tristesse, car nous savons que nous sommes recherchés par Dieu lui-même.

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