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Dossier
Industrie pharmaceutique

L’Afrique entre dépendance et effervescence

Le continent africain est doté d’un immense couvert forestier et d’une flore abondante et diversifiée. Quand on sait que 77 % des médicaments tirent leurs principes actifs des plantes, on pressent que notre continent a ici une belle carte à jouer. Alors, l’Afrique futur laboratoire du monde ?

il y a 9 mois

En matière d’industrie pharmaceutique, la marge de progression de notre continent est énorme.

En effet, malgré son milliard d’habitants, l’Afrique ne représente que 0,7 % d’un marché mondial pharmaceutique estimé à 1 106 milliards de dollars en 2019. On estime aussi que seulement 3 % de la production mondiale de médicaments sont issus du continent africain.

Enfin, l’Afrique importe plus de 80 % de ses médicaments, principalement de l’Inde et de la Chine pour les génériques et auprès des grands laboratoires internationaux pour les médicaments sous licence. Le matériel médical, les masques, les tests, les protections n’échappent pas à cette ‘’règle’’. Une dépendance révélée par la crise sanitaire du Covid19.

« Toute la production mondiale de principes actifs destinés à la médecine a été bouleversée. En Afrique, en tant que clients en bout de chaîne, nous avons rencontré beaucoup de perturbations logistiques dues à un très net ralentissement des transports maritimes et aériens. Dans le même temps, nous avons observé une très forte augmentation des coûts de transport », constatait

Mehdi Sellami, lors du 1er Forum Afrique Demain organisé en novembre 2020 à Paris.

Au Cameroun, « quand le Covid est arrivé, les prix ont flambé de près de 40 %, d’un seul coup, même ceux que nous avions déjà négociés ! », déplore Gisèle Etamé Loé, directrice générale de GeneMark, une société de production de médicaments génériques.

À cela, s’ajoute la problématique de la formation des aspirants en pharmacie. « Si de réelles spécialités étaient créées dans nos universités, tous nos nouveaux diplômés ne se retrouveraient sur les listes d’attente pour une licence d’officine. La pharmacie, ce n’est pas que l’officine. Les spécialités sont très nombreuses. De plus, nous avons d’éminents professeurs », explique le docteur Linda Kaboré, présidente et Initiatrice d’Africa Santé Expo.

Signe encourageant, certains États africains prennent des initiatives pour assurer le développement de leur industrie pharmaceutique. « En Côte d’Ivoire, avec la Déclaration d’Abidjan, le gouvernement a supprimé toutes les taxes sur le matériel, les intrants, l’équipement des industries pharmaceutiques pour faciliter l’installation d’unités de production dans notre pays. Une décision qui nous a permis de passer de 3 à 6 % d’industries pharmaceutiques avec un objectif de 14 % en 2025 et 50 % en 2030 », affirme Linda Kaboré.

La pharmacienne milite également pour la valorisation des matières premières africaines et appelle à une transformation locale des plantes qui, selon elle, pèserait plus lourd dans la balance. « Nous avons des terres disponibles et de braves paysans capables de se reconvertir en planteurs de plantes médicinales. Nous avons par ailleurs initié la création du conservatoire de plantes rares ». La tradithérapie, très développée en Afrique, pourrait être complémentaire de la médecine conventionnelle. Cette médecine traditionnelle est déjà intégrée dans certaines facultés de médecine du continent.

Selon Larabi Jaidi, économiste et professeur à l’Université Mohamed VI polytechnique, « quelques industries pharmaceutiques africaines produisent à la fois des molécules sous licences et leurs propres génériques. Mais peu investissent dans la recherche, faute de moyens ou de vision stratégique. »

L’Afrique du Sud et l’Égypte, les deux premiers producteurs, satisfont d’abord leurs marchés intérieurs et n’exportent que marginalement. L’Algérie, troisième producteur, produit 90 % des médicaments consommés dans le pays.

L’Afrique a de sérieux atouts pour devenir une grande puissance pharmaceutique : elle dispose des matières premières et d’un marché intérieur gigantesque, avec une population qui devrait doubler d’ici 2050. L’aspirine que nos enfants donneront à nos petits enfants sera-t-elle made in

Africa ?

La rédaction