La classe moyenne africaine émerge. Son appropriation du digital fait exploser le marché de la distribution. Un véritable levier de croissance pour les sites de commerce sur le continent.
Un nouveau round se joue en Afrique autour du digital et particulièrement sur la vente. On ne connaît ni les favoris ni les challengers sur ce marché longtemps négligé par les mastodontes internationaux. Aujourd’hui, l’Afrique est sur leur carte stratégique - commerciale. La bataille du positionnement a commencé. Les sites de vente/achat en ligne se mènent désormais une guerre sans merci. La dernière arrivée en Afrique de l’Ouest a choisi Abidjan comme porte d’entrée, Amazon.
LA STRATÉGIE
Chaque marque avance avec prudence. Ils n’ont pas tort. «Certains sur place, ont déjà jeté l’éponge comme Cdiscount», nous explique Hélène MAURY (cadre Logitiques). Était-ce par mauvaise appréciation du terrain ou parce qu’ils étaient trop pressés ? « Qui se souvient encore de CiMarket en Côte d’Ivoire ? La plateforme a fait banqueroute avant même que le public ne sache ce qu’elle proposait », nous confie Marcel KONAN (informaticien). D’autres, quoique non encore rentables comme Jumia, selon son Directeur général Francis Dufay, ont décidé de jouer avec le temps.
Auront-ils assez de souffle avant que le marché n’arrive à maturation surtout que l’Afrique est un autre monde ? Certains par contre, tiennent la route (Afrimarket, IrokoTv, etc.). Par conséquent, il y a des raisons d’espérer à la réussite. Leur modèle économique est passé au scanner par la concurrence qui a bien compris qu’il faut tout asseoir pour exister et se développer sur cette niche en gestation.
LE DIGITAL
Malgré la faiblesse des politiques publiques développées, les États ont consenti à la démocratisation des Tics. Les utilisateurs usuels sont longtemps restés sur les produits importés. Parce qu’ils n’étaient pas disponibles sur place et apparaissaient de meilleures qualités. « À chaque fois qu’il y une nouveauté en Europe, les Africains nantis n’attendent pas que les produits arrivent sur place. Avant, ils s’appuyaient sur des connaissances pour le leur faire apporter. Maintenant, ils préfèrent les commander sur des sites internationaux de vente pour se mettre à jour », fait observer Christiane TRAORÉ (infirmière). Face à cela, à côté des grandes enseignes, des acteurs nationaux ont émergé et quelques startups se sont lancées en offrant des plateformes d’annonces : Ikenzen, AfrikAnnonces, AfricaShop, Afreecom, Afrimalin... Les labels locaux ont l’avantage de l’expérience terrain. Le digital permet de valoriser des produits locaux et de se procurer des biens utiles à l’économie et à la culture africaine. Les Africains abordent ainsi le commerce électronique avec plus de confiance. La cybercriminalité, le faible taux de bancarisation et autres sont au cœur de la problématique des besoins exprimés par la clientèle africaine.
LA SÉCURITÉ
Des pays africains sont longtemps restés sur la liste noire de plateformes internationales des paiements en ligne. « Il a fallu que les États prennent des mesures et donnent des engagements forts pour que leurs concitoyens puissent continuer d’utiliser ces dites plateformes », nous confie Jacques SILUÉ (enseignant). Et même si le processus a repris, il n’en demeure pas moins qu’il a fait beaucoup de victimes (certains y ont perdu toute leur économie) et a laissé des séquelles dans l’esprit de nouveaux utilisateurs - qui optent pour la prudence. Il incombe aux régulateurs et aux opérateurs de sensibiliser davantage et de créer un cadre de certification, comme c’est le cas pour certains sites de jeux en ligne.
LES JEUX
Si sur les autres segments l’on enregistre un léger retard, les jeux en ligne sont à mettre au compte des exceptions. La passion et le gain rapide sont des motifs du succès des plateformes de pari sportif. Les plus connus : BetClic, Winamax, SportCash... Dans les cybercafés ou dans les espaces de PMU, des groupes constitués parient chaque jour de fortes sommes d’argent à tel point que les loteries nationales africaines ont été obligées de réagir en demandant des commissions aux sites de jeux occidentaux. D’ailleurs, « une réglementation se met en place pour permettre aux États africains de rattraper les énormes fuites de capitaux », nous dit le notaire, Salif TOGOLA. Ces dernières années, l’écosystème digital se met en place en Afrique, grâce surtout au téléphone.
LE MOBILE
Le téléphone, une opportunité pour le continent. Les banques, et les assureurs, et d’innombrables firmes intervenant dans la distribution ont saisi les enjeux. Les sites de commerce en ligne s’appuient sur ce créneau pour toucher plus de clients. Tout est parti du principe de « commande pour achat à la livraison ». Actuellement, l’achat est automatique et le client peut même suivre instantanément le circuit de son produit. Le Service Après-Vente (SAV) des sites de vente s’assure de la satisfaction du client. « Quelques jours après la livraison de mon appareil photo, j’ai reçu un courriel et un appel où l’on me demandait : « avez-vous reçu votre produit ? Est-il en phase avec l’offre en ligne ? Est-il en bonne état ? », raconte Malick SOW, auditeur financier. D’anciens utilisateurs de site de vente en ligne vont jusqu’à dire que ce n’est plus cela les attentes. Leur principale préoccupation, c’est bien le délai de livraison. Il est évident que la digitalisation des achats donne une traçabilité. Il est fort possible qu’elle contribue à rendre formel une partie du commerce informel. Sa prise en main par les africains passent inéluctablement par la fiabilisation du circuit de distribution, le développement de contenus locaux ainsi que la protection (des données) des utilisateurs.
Moustapha MAÏGA