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Spiritualité

La Charia est-elle encore appliquée dans certains pays africains ?

La Charia est-elle encore appliquée dans certains pays africains ? © Esprit Magazine

Des mains coupées, des coupables d’adultère flagellés, des femmes voilées, la peine de mort appliquée… C’est à travers ces clichés que bien des lectures parcellaires identifient l’application de la Charia dans les pays musulmans.

Mais de quel type de lois s’agit-il exactement ? De la loi constitutionnelle, de la loi organique ou de la loi ordinaire ? Dans un tel contexte, la caricature arbore rapidement le manteau de la démesure. Et pourtant, à la lumière des sources scripturaires, aucun anachronisme ne s’invite à l’ordre du jour définitionnel de la matière. Vu sous l’angle galvaudé du regard profane, il n’y a de Charia que dans le droit pénal. Et pourtant, la réalité est toute autre. Interrogeons la matière à la lumière de la science légiférée. Qu’est-ce donc la Charia ? S’il ne s’agit que de concepts et de terminologie, on dira simplement que chaque pays, musulman ou non, a sa propre Charia. L’esprit comprend ainsi immédiatement que la Charia doit recouvrir une terminologie qu’il convient de clarifier, pour ensuite lever l’équivoque des caricatures.

UNE APPROCHE DÉFINITIONNELLE

 

Autant le dire ! la Charia n’est pas le droit pénal. Elle n’est pas le fait de couper la main à un voleur, de flageller un fornicateur ou un coupable d’adultère. La Charia n’est pas la peine de mort réservée aux assassins. ; ni le fait d’assujettir les femmes et de les obliger à porter le voile.

Chaque mot a un sens, et il est regrettable que le mot Charia sorte délibérément de son contexte ; puisque l’objectif est de caricaturer toute une civilisation et toute une philosophie comportementale, comme étant deux modes de vie et de pensée barbares. La violence miroitée, le cliché de l’incommodité vendu !

Dans la terminologie arabe, le mot « Charia » désigne le chemin et la voie de la droiture qui mène à Dieu et qui comporte plusieurs branches, d’autant qu’il s’agit de réguler et de réglementer les rapports du croyant à Son Seigneur et envers les hommes. La Charia prend en compte l’ensemble des dimensions et pratiques qui renvoient à l’essence de l’Islam, l’intimité de la paix avec le Créateur, avec soi-même et avec son environnement.

Les savants musulmans définissent la Charia par rapport aux cinq principales finalités suivantes, tournant autour de la préservation ; de la religion, de la vie, de la raison, de la filiation et de la propriété. Pour le grand Imam et penseur Ghazali, ces finalités sont indispensables à l’équilibre social et s’inscrivent dans l’ordre des obligations qui pèsent sur le croyant.

La Charia est donc, en premier lieu, la préservation des relations de dévotion envers le Créateur, et de bonne intelligence envers les hommes, dans la mesure où elle prend en compte l’ensemble des règles qui définissent les principes d’harmonie du champ relationnel entre le Suprême et le serviteur.

Le Charia met ensuite l’accent sur toutes les injonctions qui sacralisent la vie et qui encadrent sa préservation contre l’assassinat irraisonné ou le suicide. « Quiconque a tué un être humain non coupable de meurtre ou de sédition sur la Terre est considéré comme ayant tué l’humanité tout entière ; et quiconque a sauvé la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’humanité tout entière ! » (Coran, Sourate 5, verset 2) « Et ne vous tuez pas vous-même, Allah, en vérité, est Miséricordieux envers vous. Et quiconque commet cela, par excès et par iniquité, Nous le jetterons au feu, voilà qui est facile pour Allah » S 4 V 29-30

La Charia se définit également par la préservation de la raison, c’est-à-dire, de tout ce qui peut altérer le discernement et la bonne moralité de l’individu, ce qui affecterait ses rapports avec Son Créateur et ses semblables. C’est dans cet ordre d’idées que la consommation des stupéfiants est interdite en Islam.

« Tout ce qui enivre est de l’alcool et tout ce qui enivre est illicite et interdit », a dit le Messager d’Allah saw.

La Charia se définit aussi par la piété filiale perçue, par exemple, dans les doctrines chrétiennes ou confucéennes, comme étant un principe de perfection morale. L’Islam fait de la famille, l’espace nucléaire de socialisation de l’individu, avec une prime d’honneur accordée au mariage entre l’homme et la femme, comme seule voie digne de perpétuation de l’espèce humaine.

La Charia se définit enfin par la propriété, qui suppose la préservation de l’honneur et des biens de l’individu. Conformément aux enseignements prophétiques, « l’honneur, les biens et la vie du musulman sont sacrés. »

Comme on le remarque, la substantifique moelle et le critère identificatoire de la Charia découlent de l’application des valeurs spirituelles et morales, indispensables à l’équilibre sociétal, gages de bonne relation avec le Seigneur et les créatures. C’est d’ailleurs l’objectif visé par la quasi-totalité des pays musulmans qui ont fait référence à la Charia dans leurs différentes lois fondamentales et jurisprudentielles.

La Charia est la source d’alimentation du droit islamique, c’est le référent et le régulateur du contrat social, la source d’où le droit tire sa légitimité. Elle est un ensemble de normes de vie, d’émanation divine, visant la préservation de la religion, de la raison, de la vie, de la filiation et de la propriété. Les aspects pénaux ne sont qu’une infime dimension du vaste ensemble du droit islamique, lui-même inspiré de la Charia.

DÉCONSTRUCTION DES CARICATURES

 

A la lumière de ce qui précède, on peut désormais affirmer que le profane utilise le mot Charia en lui attribuant des identifiants qui relèvent d’une confusion et d’une méconnaissance criante.

Une lecture qui réduit le tout en la partie, alors que dans le fond, les éléments, parfois indexés, ne sont eux-mêmes motivés que par les cinq axes définitionnels et de la finalité de la Charia ; si bien que tous les principes et valeurs promus sont réduits au rabais et à la caricature.

Les aspects que brandit l’œil profane ne portent que sur les questions pénales qui ne représentent qu’un pourcentage infime de la législation islamique, et qui dans bien des cas, ne relèvent que du champ de l’exception du point de vue de leur application.

D’ailleurs, la finalité de ces principes pénaux en elle-même, est faite pour éviter que l’on parvienne à son application. De manière concrète, si ce n’était parce que la peur de l’Islam n’avait engendré tant de matraquage et de stupeur injustifiée, le visiteur qui arrive en Arabie Saoudite, verra le marchand laisser sa surface de vente d’objets coûteux estampillés d’or ou de diamant, non couverts, pour se rendre à la Mosquée proche pour faire sa prière ; ou encore, des magasins de vente d’objets précieux ouverts et sans gardiens pendant les moments de prière. Et jamais, on n’entendra crier en pleine ville : « Voleur, voleur ».

Ce niveau de sécurité des biens et des personnes est le résultat de l’application du droit calqué sur la Charia. La force de dissuasion imputable à ce droit, est beaucoup plus forte que celle vécue ailleurs.

Du point de vue de la Charia, l’application de certaines peines n’est possible que lorsque toutes les dispositions sont prises au niveau de la gestion politique et administrative, pour offrir les mêmes chances et les mêmes conditions de vie sociale, meilleures à tous les citoyens.

En temps de disette, le deuxième khalife de l’Islam, Oumar Boun Katab (raa) avait interdit l’application de certaines peines. Car il avait indiqué qu’au regard de la Charia, il fallait offrir des conditions de vie meilleure à tous, de sorte à ne plus justifier de vol, avant d’appliquer les peines afférentes. La Charia met toujours en avant l’aspect Moralité, Humanité et Dignité.

Lorsque le chômage sévit et que la situation sociale est telle que certains vivent dans la misère, couper la main à un voleur devient un abus et une injustice. Mais si toutes les conditions sont réunies pour offrir le minimum à chaque citoyen, le vol devient un trouble grave à l’ordre et à la paix sociale. L’application de telles peines a contribué justement à ne plus avoir dans ces pays, des cas de coupures de bras, contrairement à la quasi-totalité des pays occidentaux pourfendeurs de la Charia, où les populations sont, chaque jour, meurtries à la suite d’opérations de vols, de braquages, etc.

La corruption, l’insécurité, l’instabilité, la vengeance et tous les maux engendrés par le facteur de la soustraction frauduleuse ou par le banditisme de grand chemin, se trouvent ainsi jugulés par cette forte prévention dissuasive.

Toute prescription de source divine porte en elle les germes et les sources d’un bien et d’une sagesse, ignorés des hommes. Tout n’est pas que lois physiques ; et la dimension spirituelle des choses est parfois plus profonde qu’on ne le pense.

« Rappelez-vous que votre Seigneur dit aux anges : « Je vais mettre un représentant (un dieu temporaire) sur terre. » Ils dirent : « Y mettras-Tu quelqu’un qui y propagera le mal et fera couler le sang alors que nous chantons Tes louanges, Te glorifions et soutenons Ton absolue autorité ? » Il dit : « Je sais ce que vous ne savez pas. » S 2 V 30.

C’est le cas pour toutes les interdictions, recommandations ou injonctions. Par exemple, lorsque le Seigneur intime l’ordre à la femme de porter l’habit de décence qui prend en compte le port du voile, Il ferme à la racine toutes les portes susceptibles de conduire à la tentation et à la corruption des mœurs.

La rébellion de l’homme à ne point respecter ces différentes injonctions, a fait de notre monde, un espace de dépravation permanente, de perte de nos valeurs et d’insécurité croissante.

On le voit clairement, la Charia n’a jamais été une invention barbare, oppressive et étouffante. Le Messager de l’Islam, Mouhammad (saw) n’a été que la dernière brique venue apporter à l’édifice prophétique, sa forme et dimension entière.

A ce titre, il n’a fait que suivre et parachever la voie de ses prédécesseurs, c’est-à-dire la Charia, qu’ils ont reçue de Dieu et qu’ils ont enseigné à l’humanité. « Il vous a légiféré en matière de religion, ce qu’Il avait enjoint à Noé, ce que Nous t’avons révélé, ainsi que ce que Nous avons enjoint à Abraham, à Moïse et à Jésus : « établissez la religion ; et n’en faites pas un sujet de division ». Ce à quoi tu appelles les associateurs leur paraît énorme. Allah élit et rapproche de Lui qui Il veut et guide vers Lui celui qui se repent. » S 42, V 3

Nous évoluons aujourd’hui dans des contextes où la géopolitique mondiale et les guerres d’intérêts hégémoniques ont engendré de nombreux cercles nébuleux, de penseurs, de systèmes à la solde, qui se sont engagés sur le front de la diabolisation de l’Islam, et où la communication n’a pas toujours été au service de la vérité.

TOUTE PASSION GARDÉE, JAMAIS DANS LA RÉBELLION AUX SAGES INJONCTIVES DIVINES, L’HUMANITÉ NE CONNAITRA LA STABILITÉ, LA PAIX PROFONDE ET LE BONHEUR VÉRITABLE

L’instabilité que nous vivons aujourd’hui à l’échelle mondiale, vient en partie de cette rébellion de l’homme, et la stabilité ne sera possible qu’avec sa réconciliation et les valeurs promues par Son Seigneur.

 

El Hadj Diabaté Fousséni (journaliste-écrivain, contributeur)

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