Imaginons un monde de richesse financière et matérielle absolue, où il n’y a que des multimillionnaires. Un monde où il n’y a ni pauvre, ni pauvreté, ni subalterne, ni employé. Un monde où les hommes et les femmes sont riches à la même enseigne, possédant des biens au même titre pour être tous des chefs. L’individualisme exacerbé propulserait inéluctablement les hommes dans une spirale de tension, de défiance et de déviance. L’instabilité et le chaos règneraient.
La sagesse divine a précédé la création et
l’institution de la zakat (aumône purificatrice et légale) relève nul doute
d’une vision salvatrice, au-delà du partage parcimonieux et intelligent des
ressources indispensables à toute vie harmonieuse. « Il
ne leur a été commandé, cependant, que d’adorer Allah, Lui vouant un culte
exclusif, d’accomplir la Salat et d’acquitter la Zakat. Et voilà la religion de
droiture. », S 9 V 5.
Les notions de justice sociale et de
solidarité agissante ont ici un visage. Troisième pilier de l’Islam,
l’observation de la zakat demeure une recommandation ferme à laquelle ne peut
se dérober que le musulman qui ne dispose pas de ressources nécessaires pour
son observation. Une révélation qui est loin d’être fortuite.
LA LETTRE DE LA
RéVéLATION
Il existe plusieurs catégories d’aumônes en
Islam, selon qu’elles sont obligatoires ou non. Les aumônes non obligatoires
(sôdaka), relèvent de la simple générosité et volonté du fidèle à partager ses
biens selon sa convenance, toutefois, en respectant certaines recommandations.
Par exemple, un homme peut décider de céder comme bien testamentaire, une
partie de ses possessions en aumône, sans que cela n’excède les 1/3 de ses
richesses. Il devra tenir compte des ayants droits au testament qui ne doivent
pas être réduits à la mendicité, sous prétexte d’une quelconque
générosité.
L’Islam encourage l’aumône simple qui ne tient
pas compte de la quantité des biens accumulés, tout au plus, il s’agit de
partager le peu en sa possession avec les membres du corpus social. Ces dons ou
actes de générosité ne répondent pas à une réglementation spécifique,
quoiqu’ils enrichissent les relations du croyant avec Son Créateur et ses
semblables.
La Zakat en tant que pilier, investit une
autre dimension. Dans la classification jurisprudentielle des actes
religieux, elle a une valeur supérieure au-delà même de l’obligatoire, donc une
injonction pressante et extrêmement ferme. Il n’existe aucune concession
possible pour celui qui doit s’en acquitter de s’y dérober, s’il dispose des
moyens requis. Dans l’ordre des obligations religieuses, la zakat a plus de
valeur que le jeûne du mois de Ramadan et du Pèlerinage à la Mecque. Mieux, là
où certaines prescriptions religieuses sont citées à peine une seule fois dans
le Saint Coran, la Zakat est mentionnée plus de 80 fois et dans bien des cas,
dans le même verset que celui qui institue la prière.
Parce que intimement liée à la prière, les
savants conviennent que celui qui ne s’en acquitte pas alors qu’il dispose des
moyens, sort de la pratique de l’Islam. C’est presqu’un acte d’apostasie et de
très haute trahison. Voilà pourquoi, le premier Khalife de l’Islam Abu Bakar
raa a combattu comme des mécréants, les musulmans qui avaient refusé de s’en
acquitter après le rappel à ALLAH du Messager d’ALLAH, saw, jusqu’à ce qu’ils
subissent la défaite cuisante et qu’ils reviennent sur les pas de leur reniement.
La gravité de l’injonction prophétique met en
lumière la quasi importance de la zakat. Le Messager d’ALLAH saw révèle ainsi
que : « celui qui ne paie pas la zakat sera dans le feu le jour du jugement
dernier ». Hadith mis en évidence par At Tabarani.
Allah
le Tout Magnanime martèle à cet effet : « Que ceux qui gardent avec avarice ce
qu’Allah leur donne par Sa grâce ne comptent point cela comme bon pour eux. Au
contraire, c’est mauvais pour eux : au Jour de la Résurrection, on leur
attachera autour du cou ce qu’ils ont gardé avec avarice. C’est Allah qui a
l’héritage des cieux et de la terre. Et Allah est Parfaitement Connaisseur de
ce que vous faites » S 3. 180.
Leurs biens seront transformés en plombs
fondus pour en faire un accoutrement le jour des comptes. Le refus de payer la
zakat est un affront au Seigneur. C’est le message de la créature qui refuse de
rétrocéder les dépôts qui lui ont été confiés par Son Créateur, le bien dont le
musulman dispose étant considéré comme un dépôt de DIEU. L’institution de la
zakat sur ce plan obéit à une sagesse profonde.
L’ESPRIT DE LA
RéVéLATION
La Zakat est calculée à partir de la valeur
annuelle de 500 g d’argent ou de 85 g d’or de 18 carats. La communauté des
savants de la Côte d’Ivoire a opté pour unité de mesure, l’argent, ce qui
permet de plus étendre l’éventail des donateurs, la valeur oscillant dans
l’ordre de 350 000 frs par an. Tout musulman vivant en Côte d’Ivoire est donc
tenu de payer sa zakat s’il dispose de ce minimum annuel imposable. Par exemple,
une personne possédant la somme d’un million l’année, (tous ses comptes
considérés), naturellement après ses dépenses primaires (nourriture, logement,
santé, dette au besoin, etc.), il calculera 1 000 000 X 2.5%100= 25
000 frs. Celui qui dispose de 350 000 frs fera 350 000 X 2.5%100= 8 750
frs. 25 000 à payer pour 1 000 000.
Qu’il s’agisse des avoirs/biens et fortunes
divers (espèces, métaux précieux, carnets d’épargne, ou dépôts en banque, des
titres bancaire, des récoltes et du bétail, des revenus divers (location de
biens immobiliers par exemple), des honoraires, des primes, des gratifications
et bonifications, des biens hérités, la zakat devient imposable une fois le
minimum annuel atteint.
Son acquittement n’est pas une obligation pour
celui qui n’a pas le minimum imposable, mais il ne doit pas se dispenser des
actes de générosité.
Le Saint Coran mentionne «…les
pauvres, les indigents, les collecteurs de la zakat, ceux dont les cœurs sont à
gagner (à l’Islam), l’affranchissement de l’esclavage, ceux qui sont lourdement
endettés, dans le sentier d’Allah, et pour le voyageur (en détresse)… », comme étant les
bénéficiaires de la Zakat, tel que mis en évidence au verset 60 de la Sourate
9.
Il existe aujourd’hui, une institution dédiée
à la récolte et la gestion de la zakat en Côte d’Ivoire (Fondation
Zakat et Waqf). La pauvreté devait-être une notion étrangère dans les
communautés et les pays musulmans, si la zakat était collectée dans les règles
de l’art. Dans les pays bien structurés, la mise en place d’un fonds spécial de
la Zakat permet de récolter des milliards de francs comme fonds d’aide et de
soutien à des milliers de bénéficiaires pour la création de petits projets dans
différents domaines d’activités, en vue de leur autonomisation.
Ainsi, la zakat obéit à toute une dynamique de
justice sociale. Elle constitue le droit du pauvre sur le riche et permet de
juguler la pauvreté, la misère et tous ses corollaires. «
Et sur les bien desquels, il y a un droit bien déterminé, [la Zakat], pour…le
déshérité » S 70 V 4, 5.
L’Islam met l’accent sur la responsabilité
collective, où le malheur et le bonheur sont partagés au même titre par les
membres de la communauté religieuse, afin de réduire les disparités d’ordre
sociales et d’éviter la dictature des hautes aristocraties et bourgeoisies
écrasantes et déshumanisantes.
Au-delà de la justice sociale, la zakat a une
portée spirituelle indéniable. Elle permet de purifier le cœur du croyant de
toute attirance pour les mondanités en l’aidant à être maître de ses biens et
en éloignant son âme de l’avarice et la convoitise. « Prélève
de leurs biens une Sadaqa par laquelle tu les purifies et les bénis… » S 9
V 103.
La zakat est un moyen de fructification des
biens, car celui qui paie la Zakat, jouit de la baraka d’ALLAH dans toutes ses
activités. « Dis : «Mon Seigneur dispense avec largesse ou restreint
Ses dons à celui qu’Il veut parmi Ses serviteurs. Et toute dépense que vous
faites [dans le bien], Il la remplace, et c’est Lui le Meilleur des donateurs»
». S 34 V 39.
Elle est un bouclier infranchissable contre le
mal qui découle de la jalousie d’autrui. C’est nul doute, un acte de
reconnaissance des faveurs divines et d’obéissance au Créateur.
Le Saint Coran est formel contre les
réfractaires à cette injonction divine. « A ceux qui thésaurisent l’or et l’argent et
ne les dépensent pas dans le sentier d’Allah, annonce un châtiment douloureux,
le jour où (ces trésors) seront portés à l’incandescence dans le feu de l’Enfer
et qu’ils en seront cautérisés, front, flancs et dos : voici ce que vous avez
thésaurisé pour vous-mêmes. Goûtez de ce que vous thésaurisiez.» » S 9 V 34.35.
Aucun labeur, aucune intelligence, aucune
ardeur ne suffit à l’homme pour faire de lui, un détenteur de richesse, si ce
n’est par la volonté divine. Que l’homme s’attache à ses biens au point de
verser dans l’affront et de se résoudre à ne point les administrer tel que
convenu par l’Administrateur Principal, ses biens perçus comme un dépôt de
Dieu, cela est un acte de rébellion.
La connaissance de la zakat ou sa pratique
devaient couler de source pour tout musulman ordinaire, parce qu’une pratique
sans zakat est un Islam au rabais vis-à-vis du Créateur, un acte proche de la mécréance.
D’ailleurs, le Seigneur attribue des récompenses immenses à ceux qui s’en
acquittent et qui aident ainsi à lutter contre la paupérisation et la misère
sociale. « Quiconque prête à Allah de bonne grâce, Il le lui rendra
multiplié plusieurs fois. Allah restreint ou étend (Ses faveurs). Et c’est à
Lui que vous retournerez » S 2 V 245.
El Hadj DIABATé
Fousséni, journaliste-écrivain