Mot d'Esprit
Les grandes choses ne se font jamais dans la précipitation, mais avec passion. - Vincent Van Gogh
Dossier
Culture et identité

Us et coutumes…de la valorisation des langues maternelles

Elles sont une matrice culturelle et sociale et sont au coeur de la construction des individus. Les langues maternelles : la nécessaire valorisation.

il y a 8 mois

En 2020, le mot « boucantier » fera son entrée dans le Petit Larousse. Bien avant cette expression, c’était le terme « s’enjailler » qui ouvrait la porte des mots Nouchi (argot ivoirien) à l’académie française. Deux percées qui rappellent avec plus de pertinence, et sans prudence, l’importance des langues maternelles et de leur nécessaire promotion.

La culture est dans la langue et est véhiculée par une langue. Selon des ethnologues, la construction de la société via les individus ne saurait en effet, s’en défaire et les langues maternelles sont la manifestation d’une culture. Elles sont un support identitaire privilégié qui s’ajoute à d’autres repères identitaires notamment l’histoire et les traditions mais aussi la religion, tout comme le mode de vie, le type d’éducation, ou encore, le sens donné à la famille. Autour d’elle se fondent l’appartenance ethnique, l’histoire, les rites, les codes de droits, les revendications et le patrimoine culturel en général. Cette réalité charge la langue maternelle d’un pouvoir immense.

Les langues maternelles se posent comme un enrichissement à la mondialisation. Leur valorisation serait une autre invitation à plus de respect pour nos valeurs, ainsi qu’au rejet de l’acculturation, cet autre ‘’racisme’’ ethnique et culturel bien porté il y a plus d’un demi-siècle par Frans Placide Tempels qui soutenait dans son ouvrage Leçons sur la philosophie que l’Afrique n’a aucune culture.

« Nègre sans culture », disait-t-il, déclarant que « la civilisation bantoue sera chrétienne ou ne sera pas ».

« Le développement de l’Afrique suivra quand nous commencerons profondément à réfléchir à travers nos langues maternelles, mais également quand nous parviendrons à acclimater la technologie actuelle à notre vision du monde et à la penser dans nos langues », explique André Marie Beuseize, linguiste, enseignant à l’université Houphouët-Boigny d’Abidjan.

« Les langues maternelles sont pour l’Africain ce qu’est le bâton pour l’aveugle », dit-il. L’abandon des langues maternelles signifierait un rejet de notre identité, une acceptation de l’aliénation et un pseudo développement à partir seulement des codes des autres civilisations, notamment de l’Occident.

BRISER LA GÊNE

Séduit par les autres langues venues de pays dits développés, l’Africain développe un complexe à parler sa langue maternelle. Encouragé presque par des systèmes éducatifs essentiellement portés sur l’apprentissage des langues étrangères pour des nécessité d’ouverture au monde, les langues maternelles sont souvent mises à l’écart.

Faisant trôner l’anglais ou le français comme les langues par excellence, celles du développement, d’où la honte, le refus visible ou voilé des Africains de s’exprimer en langue locale. Une gêne à briser, un affranchissement nécessaire pour affirmer les poings serrés son identité.

PROMOUVOIR SANS OPPOSER

La promotion des langues locales africaines ne passe cependant pas par son opposition au français ou à l’anglais ou encore au chinois car l’univers linguistique ne se réduit pas aux formes d’une seule langue. La mise en perspective des langues acquises s’impose.

L’anglais n’est pas contre le français encore moins le français contre les langues africaines. Toutes devraient constituer le levain d’un développement harmonieux sans volonté d’avalement d’une culture ou d’une langue par une autre, mais pour porter au trône le plurilinguisme, dans lequel les individus peuvent gérer à la fois ce qu’ils ont de plus proche et de plus intime, et la nécessaire ouverture sur le monde.

La rédaction