« Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. Le Décor est planté, Hindou et sa sœur Ramla doivent se marier un point un trait, tel en a décidé l’oncle, le frère de leur père, ce dernier ne pouvait qu’acquiescer, telles étaient la coutume et la tradition.
Ramla et sa
petite soeur Hindou, avaient pourtant les rêves plein les yeux. Elles avaient
eu la chance d’être scolarisées, ce qui constituait un véritable privilège dans
leur société. Ramla avait même un amoureux, Aminou l’ami de son grand frère,
étudiant au Maroc.
Elle
caressait le secret espoir de le rejoindre après l’obtention de son bac et d’y
entamer des études de Pharmacie. Elle se projetait dans l’avenir et se voyait
dans son officine.
Le sort en a
décidé autrement. Elle sera mariée de force à un puissant commerçant, ami de
son oncle. Il l’avait aperçue par un après-midi et avait décidé de la posséder.
Elle avait à peine seize ans. Il consentit à ce qu’elle termine ses études jusqu’au
baccalauréat. C’était suffisant, pour une femme.
Sa première
épouse Safira, n’était pas allée à l’école, Ramla serait donc celle qu’il
pourrait exhiber lors de ses voyages d’affaires et autres. Hindou quant à elle
devait épouser son cousin Moubarak, une espèce d’alcoolique drogué. Un raté à
qui il fallait tout de même trouver une femme.
« S’il te
plaît, mon père, s’il te plaît, je n’aime pas Moubarak, je ne veux pas me
marier avec lui. Je le supplie, sanglote de plus belle et m’accroche de toutes
mes forces à un canapé.» P.88
En guise de
lune de miel, nous assistons à une scène de viol. La violence y est inouïe.
Conséquences : la jeune mariée pourtant vierge a le corps endolori et couvert
d’ecchymoses et d’hématomes. Conduite en catimini à l’hôpital par ses beaux-parents,
personne ne s’offusquera du traitement qu’elle a subi ; pas même le médecin qui
ne s’en formalisera pas non plus. Ce n’était pas un viol, le viol n’existe pas
dans un mariage. Moubarak avait tous les droits sur son épouse, et n’avait fait
que se conformer à ses devoirs conjugaux. La faute incombait plutôt à Hindou,
qui ne s’était certainement pas laissé faire. Quelle honte ! Quel sacrilège !
Quelle impudeur ! Quel manque de courage, de munyal ! (patiente)
« Un peul
meurt comme un mouton en se taisant et non en bêlant comme une chèvre ». Les
scènes de violence vont-elles pour autant cesser ? Pas si sûr Hélas ! Je dois
soumission à mon époux ! Je dois épargner mon esprit de la diversion ! Je dois
être son esclave afin qu’il me soit captif ! Je dois être sa terre afin qu’il
soit mon ciel ! Je dois être son champ afin qu’il soit ma pluie ! Je dois être
son lit afin qu’il soit ma case ! P.97
Ramla quant
à elle rejoint son foyer polygame, elle est accueillie par Safira sa coépouse,
qui lui souhaite la bienvenue avec un regard foudroyant. Safira est parée telle
une mariée de ses plus beaux bijoux et vêtements. Elle est entourée de sa
famille. La tradition veut que ce soit la plus âgée de ses belles-sœurs qui
s’adresse à la coépouse :
« Ma chère
Safira, voici la nouvelle mariée, son nom est Ramla, c’est ta petite sœur, ta
fille, sa famille te la confie. C’est toi la première épouse, la daada-saaré,
le guide de la maison, celle qui veille à l’harmonie du foyer. Ramla tu n’es
que sa petite sœur. A toi les tâches ingrates. Obéissance absolue, patience
devant sa colère, respect ! Munyal… » p 25. La paix dans ce foyer polygame sera
pourtant de courte durée.
Isabelle Kassi
Fofana (directrice générale de Massaya Editions)