La "très grande ville d’Abidjan" par rapport aux autres villes de Côte d’Ivoire ne cesse de s’agrandir, on parle aujourd’hui du « Grand Abidjan », où la métropole s’étend au-delà des limites des 10 communes et du district. Sur le plan national, cette extension accroit un déséquilibre ou une distorsion croissante entre la tête (Abidjan) et le reste du corps du réseau urbain et cela au détriment des villes pourtant importantes comme Bouaké, San Pedro, Daloa ou la capitale politique Yamoussoukro encore à la traîne.
La
compréhension de cette écrasante prépondérance de la ville d’Abidjan sur le reste
du réseau urbain se constate à divers niveaux. Au plan démographique, selon le
RGPH 2014, Abidjan concentre aujourd’hui à elle seule 4 707 404 habitants soit
un peu plus de 22 % de la population totale de la Côte d’Ivoire, la
quasi-totalité des infrastructures et équipements (Hôpitaux, industries, ports,
aéroport, universités et grandes écoles, réseau routier et ferroviaire …) du
pays est concentrée dans la ville d’Abidjan, la plupart des services publics et
privés, etc.
Toute cette
concentration n’a pas que des impacts positifs sur le développement d’Abidjan.
En effet, Abidjan c’est aussi une forte pression démographique, forte
urbanisation, un sérieux problème de logements des populations et une pression
foncière sans précédent, une prolifération des quartiers précaires due à une
urbanisation incontrôlée, une insécurité grandissante, un réseau routier
surchargé d’où un embouteillage quasi permanent et par-dessus tout, plusieurs
problèmes environnementaux.
À l’inverse,
on note dans les autres villes de Côte d’Ivoire un dépeuplement dû à un exode
massif des populations vers la ville d’Abidjan, une non mise en valeur du
foncier, une sous-exploitation des potentialités des villes, une baisse
significative des activités économiques, une dépendance socioéconomique des
villes de l’intérieur vis-à-vis de l’État de Côte d’Ivoire, la pauvreté en
infrastructures et équipements (insuffisance en équipements dans les hôpitaux
et autres services).
Mais comment
palier cette situation si Abidjan continue de se densifier tant humainement que
matériellement ? Il est vrai que la "grandeur d’Abidjan" va au-delà
des frontières ivoiriennes, c’est aujourd’hui une métropole régionale sur un
beau site (relief, mer et lagune) qui malgré tout ne cessera d’attirer du
monde.
De plus,
l’État dans sa politique de planification s’intéresse toujours à tout le
territoire ivoirien. Mais à lui seul, l’État ne peut pas tout faire en temps
voulu. Quant aux élus et cadres locaux ils investissent pour la plupart dans
des secteurs d’activités à Abidjan où ils sont sûr d’avoir un retour sur
investissement à cause du poids économique de cette métropole. Dans ces conditions
qui s’occupe du reste du territoire ? Certes l’État planifie le développement
sur tout le territoire, mais les élus et cadres des villes peuvent amorcer leur
propre développement qui indubitablement sera encouragé par l’État.
Peut-on se
tourner aussi vers les privés ? En 2005 le CECAT (Cabinet d’études cartographiques,
d’aménagement et de tourisme) après un diagnostic territorial a décelé des
potentialités de développement pour la seule ville de Bouaké meurtrie par la
crise de 2002. Le CECAT a alors proposé un projet de développement pour la
ville de Bouaké.
Aujourd’hui,
le même cabinet propose la mise en place de Comités d’expansions économiques
pour impulser le développement régional basé sur les ressources locales. Nous
espérons que de telles initiatives seront accompagnées par les politiques et
autres acteurs de développement.
Pendant ce
temps, la "très grande ville d’Abidjan" n’en peut plus de ses
problèmes qui deviennent de plus en plus grandissants.
N'cho
Lionel Arnaud (géographe, contributeur)