Des cas de suicide secouent la Côte d’Ivoire depuis un moment. Des personnes se donnent la mort au vu et au su de témoins ahuris. Richmond, psychologue et le professeur Koua Asseman, coordonnateur du Programme national de la Santé mentale, analysent ce fléau.
DES FAITS
QUI INTERPELLENT
Mardi 9
juillet 2024, un homme s’est donné la mort en se jetant du pont De Gaulle au
Plateau. En pleine circulation, il a stationné son véhicule avant de commettre
l’irréparable. On apprendra plus tard que la victime était un gendarme.
Le
lendemain, un autre cas de suicide a été signalé dans une cité estudiantine de
Port-Bouët. Un jeune homme s’est jeté du 4e étage d’un bâtiment. Transporté à
l’hôpital, l’individu a malheureusement succombé à ses blessures.
Un autre
acte suicidaire s’est produit le mardi 30 juillet 2024 sur le pont De Gaulle.
Une dame a plongé dans la lagune devant une foule de témoins.
23 CAS DE
SUICIDES PAR AN EN COTE D’IVOIRE
Selon l’OMS
(Organisation mondiale de la santé), 11 personnes sur 100 000 se suicident
chaque année en Afrique. Cette statistique est en deçà de la moyenne mondiale
estimée à 9 personnes sur 100 000.
En Côte
d’Ivoire, l’unité de médecine légale du CHU (Centre hospitalier urbain de
Treichville) révèle que sur la période 2013-2023, la Côte d’Ivoire a totalisé
23 cas de suicides par an. Le pays se classe ainsi 3e en Afrique. De quoi à
inquiéter.
L’AVIS
DES SPECIALISTES
Kouassi
Kouadio Richmond, psychologue conseiller conjugal, nous a confié que le suicide
nait d’une dépression. « La dépression peut être au niveau conjugal, familial,
professionnel », a-t-il expliqué.
Par
ailleurs, le spécialiste a ajouté que « souvent, le suicide peut être provoqué
par le rejet, le manque de confiance en soi, le fait de n’avoir personne à qui
parler ».
« On peut
traverser des moments difficiles, soit une situation financière, le dégoût de
la vie parce qu’on n’arrive pas à s’en sortir. Au vu de tout ça, il faut que
les gens comprennent que quand ils sont face à une situation, ils doivent
chercher à parler, il faut s’exprimer autour de soi. En Afrique, les gens ont
tendance à dire qu’une personne consulte les psychologues quand elle est folle.
Il faut pouvoir l’interner. Quand on vit une situation difficile à tous les
niveaux de la vie, il faut pouvoir s’exprimer. Des gens se suicident parce
qu’il y a l’esprit de mort qui les possède », a conseillé le psychologue.
Le
professeur Koua Asseman Médard est le directeur coordonnateur du Programme
national de santé mentale (PNSM). Pour lui, quel que soit le type de suicide,
le facteur déclencheur est la souffrance psychologique.
Il explique
que ce fait peut être en rapport avec plusieurs facteurs, notamment la
fragilité psychologique des individus, la dépression et l’environnement
(précarité sociale, pauvreté, perturbation, incertitude).
« Tous ces
facteurs vont générer une grande souffrance psychologique. Quand cette
souffrance psychologique déborde les capacités de l’individu et monte à un
seuil intolérable, la personne ne voit pas d’autre alternative que de se donner
la mort », argumente le professeur Koua.
LE REGARD
DU PROGRAMME NATIONAL DE LA SANTÉ MENTALE
Le
coordonnateur du PNSM explique la vague successive de suicides de la période de
juillet 2024 par l’effet Werther. « C’est l’effet qui, par une communication
tout azimut mal maitrisée va entrainer une vague de contagion. Cet effet va faire
que le fait de décrire toutes les scènes, de publier des images, des scènes de
décès par suicide abordés clairement, vont encore fragiliser au sein de la
population les personnes qui sont déjà vulnérables au sein de la société »,
ajoute Koua Médard.
Au niveau du Programme national de la santé mentale, l’un des enjeux est de pouvoir sensibiliser les professionnels de média sur la couverture responsable pour renforcer les actions de prévention, confie son premier responsable.
Le phénomène
des suicides en Côte d'Ivoire nous rappelle l'importance de la santé mentale et
du bien-être émotionnel. La dépression, l'isolement, et la souffrance
psychologique sont des réalités qui peuvent toucher chacun de nous, mais elles
ne doivent pas être vécues en silence.
Chercher de
l'aide, parler de ses difficultés, et créer des réseaux de soutien sont des
démarches cruciales pour surmonter les moments difficiles. En tant que
communauté, nous devons promouvoir une culture où la consultation psychologique
n'est pas stigmatisée, mais valorisée comme un acte de courage et de soin de
soi.
Richard
Konan