« Je crois avoir été suffisamment équitable dans le partage de mes biens selon les règles et les principes de l’Islam. Par Amour pour ALLAH, laissez-moi me reposer en paix. »
Le décryptage de ce message émouvant d’un père à ses héritiers met en
évidence l’importance du testament en Islam, condition sine qua non de la bonne
visibilité et de la justice dans le partage des biens et du patrimoine du
défunt musulman.
Au nom de ce principe, la gestion de l’héritage est régie par des règles
spécifiques et ne saurait dépendre de l’humeur ou de la seule décision
unilatérale du défunt. L’homme naît dans un environnement familial et social
qui le rend redevable à plusieurs échelles auprès de ses semblables.
Le partage de l’héritage entraîne parfois des batailles rangées au sein
de certaines familles. Les appétits voraces de quelques individus engendrent
ainsi de profondes fissures du lien de parenté et ouvrent la porte à des
querelles interminables.
L’Islam, religion de paix, veille à la bonne intelligence des rapports au
sein du corpus familial. C’est pourquoi l’Islam, religion de paix, veille à la
bonne intelligence des rapports au sein du corpus familial en cas de décès d’un
de ses membres.
L’encadrement juridique de la gestion des biens testamentaires relève
sans nul doute d’une sage injonction divine, leur clé de répartition étant
suffisamment définie.
UNE INJONCTION DIVINE PRESSANTE
Le Saint Coran révèle avec concision : « On vous a prescrit, quand la
mort est proche de l’un de vous et s’il laisse des biens, de faire un testament
en règle en faveur de ses père et mère et de ses plus proches. C’est un devoir
pour les pieux ».
La certitude de la mort et la méconnaissance de son heure imposent au
musulman de faire de la rédaction de son testament une priorité. La gestion des
biens ainsi légués selon les règles islamiques permet de protéger la stabilité
et la paix du noyau familial et d’éviter les querelles pouvant naître
d’intérêts partisans et égoïstes.
Le testament ne fait pas qu’un focus sur les biens à léguer : il permet
de mentionner également les dettes du musulman en indiquant leur montant exact.
Le remboursement de ces dettes sera une priorité à sa mort, même si les biens
légués ne sont pas suffisants pour les couvrir entièrement. Cette obligation
pèsera sur la famille du défunt.
Il n’est pas rare d’entendre dire dans certaines législations qu’un
animal a hérité d’un tel ou que tel héritage a été légué à une personne en
toute entièreté. L’Islam a établi des règles en la matière pour éviter des
traitements à géométrie variable. C’est à juste titre qu’un professeur du
collège Kings de Londres disait : « La loi islamique sur l’héritage comprend
sans aucun doute l’ensemble de règles le plus sophistiqué et le plus détaillé
sur la distribution des avoirs que le monde occidental ait jamais connu. »
Beaucoup de législations se sont inspirées de la jurisprudence islamique
en la matière. Le fruit de la législation divine porte sur lui le cachet de la
perfection, la science divine étant immuable et englobante. Le Messager d’ALLAH
saw a dit «Le musulman qui veut recommander quelque chose [avant sa mort]
n’a pas le droit de passer deux nuits consécutives sans avoir son testament
écrit près de sa tête.»
Il est rapporté qu’à la suite de cette injonction prophétique, le Khalife
Ibn Umar ra ne passait plus une seule nuit sans que son testament ne soit
auprès de lui. Ces hadiths sont mis en évidence par les Imams Al-Bukhârî et
Muslim.
La répartition des biens du défunt musulman n’est pas systématique. Elle
ne prend effet qu’après l’exécution des legs et le remboursement des
éventuelles dettes qu’il aurait pu contracter.
La législation islamique offre l’opportunité à tout musulman de céder à
un tiers ou d’offrir sous forme de don une partie de ses biens. Mais cette
mention du testament ne peut être exécutée que si elle n’excède pas le tiers de
l’héritage. L’avantage du legs, c’est de mettre à disposition un bien du défunt
dont l’utilisation à titre social et communautaire lui sera inscrite comme une
aumône perpétuelle après sa mort, tant que ce bien sera utile. Par exemple, le
testament peut faire mention du don d’un terrain pour la construction d’une
mosquée, d’un hôpital, ou du tiers de sa richesse pour la réalisation d’un projet
quelconque.
Pour ce qui est du remboursement des dettes, cela est essentiel pour le
repos de l’âme du musulman. Dans un enseignement prophétique (hadith) mis en
évidence par le compagnon Abû Hurayra, le Messager d’ALLAH saw a dit : «
L’âme du croyant reste suspendue en raison de sa dette, tant que celle-ci n’est
pas acquittée ». Ainsi, l’âme ne peut accéder aux délices réservés que
lorsque la dette est épongée.
D’ailleurs, il n’est pas convenable de prier sur le corps du croyant sans
vérifier s’il est lié à des dettes quelconques. Ainsi, avant chaque prière
mortuaire, les membres de la communauté sont invités à prendre attache avec les
parents du défunt, selon qu’ils soient créanciers ou débiteurs. Les héritiers
doivent veiller également à payer la zakat au nom du défunt, si cela n’avait
été fait avant la mort.
Une fois ces différentes dispositions prises, le testament s’ouvre
toutefois qu’il obéit à toutes les règles jurisprudentielles et aux
recommandations divines en la matière.
LA RÉPARTITION DES BIENS
L’on peut dénombrer dans l’ordre de vingt-cinq niveaux d’ayants droit à
l’héritage, en dehors des exceptions mises en évidence par la législation, tel
le cas de l’auteur d’un homicide qui ne peut héritier de la victime, de même
qu’un enfant adultérin et le non musulman. Mais il n’est pas proscrit que du
vivant du défunt cet enfant ou toute autre personne bénéficie d’un legs ou de
toute autre œuvre de générosité, sans que cela ne dépasse le seuil indiqué.
L’Islam établit à la base les recettes d’une société juste, morale et stable.
Du grand-père à la grand-mère, au père et à la mère, en passant par les
oncles, les enfants (fils et filles), les petits-enfants, les neveux, les
cousins, l’époux et l’épouse, tous ont droit à l’héritage. Selon leur lien avec
le défunt, certains ont droit à la moitié, ou au quart, d’autres à la moitié du
quart ou au tiers, si ce n’est la moitié du tiers ou les deux tiers.
Pour la première catégorie, certains héritent de la moitié des biens au
nombre desquels le mari en l’absence des descendants, la fille unique, la sœur
germaine en l’absence de père, de frère, de fils et de petits-fils, la sœur
consanguine en l’absence du père, de frère, de fils et de petits fils.
La deuxième catégorie hérite du 1/4 à savoir, le mari en présence de
descendants, fils, filles, petits-fils et petites filles issus du fils, de même
que l’épouse en l’absence de descendants.
La troisième catégorie hérite du 1/8, à savoir l’épouse ou les coépouses
en présence d’enfants ou d’enfants du fils.
La quatrième hérite du 1/3 à savoir la mère, si le défunt ne laisse pas
d’enfants, de petits-enfants du fils décédé et n’a laissé dans l’ordre de deux
frères et sœurs ou plus.
La cinquième catégorie hérite du 1/6. Il s’agit du père en présence de
descendants, du grand-père en l’absence du père et en présence de descendants
et aussi de la mère en présence de descendants ou d’un ensemble de deux frères
et sœurs ou plus. De ce pourcentage, héritent également la fille du fils ou
plus, en présence d’une seule fille, la sœur consanguine ou plus en présence de
la sœur unique germaine, tout comme la grand-mère et l’enfant unique de la
mère.
La dernière catégorie qui hérite des 2/3 sont deux filles ou plus, deux
filles du fils ou plus, les deux sœurs germaines ou plus et deux sœurs
consanguines ou plus.
Comme on le voit, le partage de l’héritage est assez technique et
nécessite la présence d’un Imam ou tout sachant pour aider les familles à la
rédaction et l’exécution du testament dans les règles de l’art. L’époux hérite
de la femme et la femme hérite de lui. Souvent, l’on assiste à ce que l’on
pourrait qualifier de discrimination positive dans la répartition des parts
entre l’homme et la femme, entre le fils et la fille. S’il revient à l’homme le
double de la part de la femme, c’est parce qu’en Islam, le bien de la femme lui
revient et la charge de la famille pèse sur l’homme. L’homme aura l’obligation
de faire face aux charges familiales, tandis que la femme disposera de ses
biens selon son gré, toute chose qui concourt à lui assurer une certaine
dignité et qui lui permet d’assumer convenablement son rôle d’actrice de
socialisation de la famille nucléaire en étant libérée de toutes les pesanteurs
d’ordre matériel.
En vérité, il faut investir le quotidien des veuves pour comprendre la
sagesse d’une telle injonction. S’il arrivait qu’elle soit abandonnée, cette
part qui lui revient uniquement l’aidera à vivre dignement. La dilapidation des
biens des veuves et des orphelins constitue un grave manquement passible du
châtiment divin, sauf réparation et repentir sincère de l’usurpateur. Beaucoup
de veuves et d’orphelins sont réduits aujourd’hui à la mendicité à cause du
braquage de leur part d’héritage par des proches parents téméraires. Le Saint
Coran décrète : « …Ceux qui mangent [disposent] injustement des biens
des orphelins ne font que manger du feu dans leur ventre. Ils brûleront bientôt
dans les flammes de l’Enfer.» S4 V 10.
La gestion de l’héritage, telle que conçue en Islam repose sur la justice
sociale. Les biens dans la religion musulmane sont perçus comme étant des
dépôts de Dieu. L’homme en use seulement selon ce que Le Seigneur agrée, en
tenant également compte de sa part de redevabilité vis-à-vis des membres du
corpus social, communautaire et familial.
L’héritage est alors acquis pour ceux qui partagent un lien de parenté
avec le défunt et les personnes extérieures peuvent bénéficier de legs dont la
valeur reste circonscrite pour éviter de réduire les bénéficiaires directs à un
état de paupérisation quelconque. « Il est préférable de laisser ta famille
riche plutôt que pauvre et sans ressources. » disait le Messager d’ALLAH
saw à un compagnon.
L’homme naît et part entre les mains des autres. Il reste ainsi redevable
envers tous, ses biens ayant été acquis avec le concours de ses semblables.
La rédaction du testament est un acte de foi qui invite le serviteur à la
méditation. C’est une étape importante du cheminement qui lui permet de
réaliser qu’il s’en ira un jour pour abandonner ses biens entre les mains de personnes
tierces. C’est une invitation à comprendre la précarité de la vie et à ne pas
faire de la course aux richesses mondaines une fin en soi. L’idée de savoir
qu’il ne sera point enterré avec ses biens le conditionne à les utiliser
dignement et conséquemment, à poser des actes de bienfaisance et de générosité
qui le serviront après sa mort. C’est ici que l’on parle de la ‘‘sôdakaDjaria’’
(l’aumône perpétuelle).
Les
œuvres du serviteur cessent à sa mort, exception faite de celles à portée
sociale qu’il aura réalisées avec ses biens et qui subsisteront.